Var-Matin (La Seyne / Sanary)

L’hypnose fait une entrée discrète à l’hôpital

Cette technique, utilisée par François Lenfant, médecin anesthésis­te, est efficace contre les douleurs chroniques, en oncologie ou avec les maladies psychiques

- S. CHAUDHARI schaudhari@varmatin.com

Brignoles

Dans le sillage de nombreux établissem­ents en France, l’hypnose est désormais d’actualité à l’hôpital Jean-Marcel de Brignoles. Depuis cette année, des consultati­ons ont été ouvertes par le médecin anesthésis­te François Lenfant, à raison d’un vendredi aprèsmidi tous les quinze jours. « Personne ne faisait de l’hypnose médicale ici, même s’il existe des profession­nels qui utilisent l’hypnose dans l’accompagne­ment en oncologie, en maternité ou en addictolog­ie », explique-t-il. Après soixante-dix heures de formation à l’Institut français d’hypnose (IFH), le profession­nel fait ses débuts à Beaune (Côte d’Or), en salle de naissance et dans les blocs opératoire­s.

Former les différents soignants

La mise en place du dispositif participe d’une volonté plus globale de développer la « communicat­ion thérapeuti­que » au sein de l’hôpital, via des formations en interne à destinatio­n des sagesfemme­s, des urgentiste­s, etc. Il s’agit tout d’abord d’employer les bons termes devant des patients. « Le cerveau n’intègre pas les phrases négatives. Si je vous dis “Ne pensez pas à un éléphant rose, rien n’y fait, on y pense.” On emploiera donc l’affirmativ­e : “Je vais vous piquer. Ça va faire mal”. » L’établissem­ent est donc engagé sur le chemin des interventi­ons sous hypnose portant sur les coelioscop­ies, chirurgies viscérales, vasculaire­s, orthopédiq­ues. « Le temps de l’interventi­on est le même, mais on gagne sur le temps de passage en salle de réanimatio­n », du fait d’un traitement médicament­eux moins lourd. Comment fonctionne l’hypnose ? Le docteur tient à rassurer : « On est dans un état hypnotique tous les jours. Lorsque vous êtes en voiture, et que vous vous êtes rendu d’un point A à un point B sans vous en rendre compte, c’est de l’hypnose, car vous étiez plongé dans des pensées, un état entre l’ici et l’ailleurs. » Dans ce cas de figure, l’hémisphère droit du cerveau est dominant : c’est celui des rêves, de l’imaginaire, à l’opposé de l’hémisphère gauche, celui de la réflexion et de l’analyse.

Un état « très éveillé »

Sous hypnose, le patient n’est pas endormi comme on pourrait le penser. Bien au contraire : il est plus éveillé et dans une situation de plus grande réceptivit­é aux suggestion­s. « À ce moment, on peut modifier la perception de la réalité. On peut, par exemple, suggérer l’analgésie (la suppressio­n de la douleur) ou l’amnésie… Mais attention, on ne prend pas le contrôle de la personne », insiste le Dr Lenfant. Concrèteme­nt, une interventi­on chirurgica­le sous hypnose s’inscrit dans un récit : « Si le patient aime aller à la pêche, sur la table d’opération, le scénario se construira autour de cela. » Ainsi, la source de lumière devient le soleil, une pommade devient la crème solaire, une piqûre est celle d’un moustique… « On fait preuve d’une grande créativité ! » En consultati­on, pour des douleurs chroniques, par exemple, M. Lenfant imagine un gant magique pour anesthésie­r une main, mais pas seulement : « Les patients doivent ensuite apprendre à s’autohypnot­iser, à se servir de ces outils et, au final, à remettre de la vie là d’où elle a déserté. L’objectif étant également de ne pas dépasser le nombre de consultati­ons prévues. » Rien de bien sorcier : « On fait déjà de l’autohypnos­e. C’est le cas lorsqu’on cherche ses lunettes alors qu’en réalité, on les a déjà sur la tête ou lorsqu’une douleur disparaît devant une séance de film très attendue. » Les avantages de l’utilisatio­n de cette méthode sont à double sens selon le praticien : « Quand on prend le soin de communique­r, on redonne du sens au métier. J’ai redécouver­t le mien ! »

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(Photo S. Ch.) Depuis cette année, des consultati­ons ont été ouvertes par le médecin anesthésis­te François Lenfant, à raison d’un vendredi après-midi tous les quinze jours.

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