Charles Berling a retissé son lien viscéral à la ville Toulon
En devenant directeur du théâtre Liberté il y a huit ans, l’acteur est revenu vivre et jouir de la ville qui a marqué son adolescence et lui a ouvert les portes de sa propre liberté
Ils ont grandi ici, sont partis se forger une expérience ailleurs, puis sont revenus pour investir ou s’investir dans leur région d’origine. Pendant ces vacances, nous vous racontons leur...
» L’éveil à tout et à tous. À Toulon, le Petit Chicago (l’actuel quartier de la Rue des arts) devient un inépuisable terrain de jeu. Et de fascinations. «Comme tous les petits bourgeois catholiques de l’époque, nous aimions nous encanailler!», rigole l’acteur. Dans les yeux de cet adolescent de 16 ans, les bars d’entraîneuses de la rue Pierre-Semard – « la pire de Toulon» –, les flots de marins titubant sous l’oeil de la Military police au brassard apparent. Charles s’engage dans des « discussions extraordinaires » avec les prostituées. « C’étaient des grandes dames qui n’avaient pas eu des vies faciles et qui m’impressionnaient.» Comme un poisson dans l’eau, frétillant sur la scène de ce théâtre à ciel ouvert, ostentatoire, tout en faux-semblant et séduction assumée. Du bitume aux planches, il est reçu l’année du baccalauréat à la renommée école des arts et du spectacle de Bruxelles, sur les traces de son frère Philippe. Une fois de plus. Le plat pays est une révélation, propre à le délivrer « du chauvinisme français et de ceux qui croient être le centre du monde ». Le natif de SaintMandé (Val-de-Marne) débarque à Paris pour lancer sa carrière. Le théâtre, bien sûr, puis la consécration au cinéma dans Ridicule (1996). Il voyage un peu partout et cultive « le goût de l’ailleurs, de la curiosité, de l’échange ». Son rêve d’adolescent s’accomplit. « Pour moi, la reconnaissance, c’était de faire du théâtre et de montrer que je pouvais exister autrement qu’en étant un bon élève à l’école. » Exister pleinement à Paris ? Pas tout à fait. « Je me souviens d’une fin d’année. Je me sentais bizarre sans savoir pourquoi et j’ai réalisé que je n’étais pas descendu à Toulon depuis un an. Il me manquait quelque chose. » Les virées dans la basse ville, évidemment, et puis la mer. Héritage familial cultivé avec passion. « Ados, on se tirait avec le bateau des parents à Porquerolles, en Italie, en Corse. J’ai en moi cette double culture de la voile et de l’art dramatique. Cette ville a construit mon rapport à la nature, la mer, et à l’art dramatique. » Un souvenir d’adolescence le réjouit. Celui d’une sortie en bateau jusqu’à l’île de Porquerolles. La plage du Langoustier, la morsure du soleil qui fait resurgir le sel sur la peau, les corps alanguis, la caresse d’un baiser au goût de lait. Une madeleine de Proust au goût éternel. « J’ai été marqué par la lumière, les gens... », sourit-il. Alors quand en 2009, il entend parler du projet de théâtre Liberté, l’appel du large se fait évidence. Aujourd’hui, Charles Berling habite dans le centre de Toulon pour profiter de cette ville qu’il dit aimer « profondément » et possède un bateau à port Pin-Rolland (Saint-Mandrier). Le bonheur saupoudré de pérennité. Dans un passé récent, le ministère de la Culture lui demande s’il ne souhaite pas diriger un théâtre plus important. « Je lui ai répondu : “On ne se comprend pas. Si je suis à Toulon, c’est pour Toulon”. Je continue mon métier d’artiste, mais pour moi, être ici a un sens profond. Diriger ce théâtre dans l’ancien cinéma Gaumont où j’allais enfant, ce n’est pas rien ! » Une histoire d’amour, aussi, ce n’est pas rien...
Cette ville a construit mon rapport à la mer et à l’art dramatique ”