« Il était convaincu d’avoir été manipulé »
« Je ne voulais pas, je ne voulais pas… » Dans la soirée du 10 septembre 2015, Klaus Oppermann appelle lui-même les pompiers. Les corps frêles de ses beaux-parents, Christine et Wilhelm Bornschein, gisent dans une pièce de leur résidence secondaire. Une villa cossue du Domaine du Port d’Alon, sur les hauteurs de Saint-Cyr-surMer, où le couple de septuagénaires allemands aime passer ses vacances d’été. Un chandelier – brisé – est découvert à proximité des cadavres aux crânes fracassés.
Un suspect amnésique
Le meurtrier a également agi à mains nues, selon les constatations du médecin légiste qui décèle des traces de strangulation sur le cou de Mme Bornschein, décédée en premier, vers 20 heures. Sur place, les gendarmes interpellent Klaus Oppermann «les vêtements couverts de sang ». Après s’être enfermé dans le silence, le suspect finira par reconnaître les faits devant un juge d’instruction. «C’est une déduction de sa part mais pas un souvenir, nuance son avocat Me Dominique Tricaud. Ses souvenirs s’arrêtent avant de pénétrer dans la maison (...) La question est de savoir quel était son degré de conscience, quel était le degré de manipulation. » Il faut rembobiner le film de cette affaire pour tenter d’appréhender les conditions du double meurtre. Christine et Wilhelm Bornschein étaient des médecins à la tête d’une clinique de soins psychothérapeutiques – la Maison Amun – dans les faubourgs de Munich. Les méthodes de Christine Bornschein étaient au coeur d’une controverse, donnant lieu à plusieurs plaintes. Suicide de patient, abus de faiblesse, tentative de meurtre… Christine Bornschein, présentée comme un gourou tyrannique par ses détracteurs, fait l’objet de nombreuses accusations qui, à notre connaissance, n’ont jamais abouti sur le plan pénal. Des attaques calomnieuses motivées par l’appât du gain, s’indignet-on dans l’entourage des Bornschein. Et pilotées par le leader d’un groupe « philosophique » (école de yoga et conférences en développement personnel), dont Christine Bornschein a été écartée, et auquel sont restés fidèles l’une de ses filles et son mari Klaus Oppermann. « Il est apparu dans le dossier que Mme Bornschein avait creusé une tombe dans le jardin de Saint-Cyr pour [son ancien mentor] », avance Me Tricaud, en référence à une prétendue tentative d’empoisonnement en 2003.
La théorie d’un crime sous hypnose
C’est dans ce contexte de guerre de clans – s’accusant mutuellement de dérives sectaires – et celui de la rupture familiale induite, que le couple Oppermann et les Bornschein avaient entamé des négociations autour du patrimoine familial, sans doute important, la fille « dissidente » réclamant sa part. « Mme Bornschein exerçait un pouvoir sur Klaus Oppermann qui était tout à fait étonnant. Elle a utilisé cette histoire de donation pour le tenir.» Selon la version de la défense, quand Klaus Oppermann se rend à Saint-Cyr avec sa sacoche remplie de documents, il croit qu’un accord va être enfin scellé. « Les expertises ont montré que les négociations étaient en fait sans issue. Elles semblent avoir été un moyen d’emprise… » Et Me Dominique Tricaud de suggérer un incroyable scénario : « Ona différents éléments qui montrent que Mme Bornschein pensait qu’elle allait mourir. Mon client a toujours été convaincu qu’il avait été embarqué dans un suicide par procuration (...) Mme Bornschein avait des pratiques qui tournent autour de l’hypnose… » De quoi expliquer l’amnésie du meurtrier présumé. Cette théorie – qui aurait été écartée par l’instruction – aurait-elle convaincu les jurés d’assises ? « Le suicide de Klaus Oppermann apparaît aujourd’hui comme une victoire posthume de Mme Bornschein.»