Carlos Ghosn se dit « faussement accusé »
Lors de sa première comparution devant un juge, près de deux mois après son arrestation surprise à Tokyo, le P.-D.G. de Renault, Carlos Ghosn, 64 ans, qui a subi une chute brutale après être devenu un personnage tout-puissant, s’est défendu d’une voix claire et forte, sans montrer d’émotion, au cours d’une audience qui a attiré les médias du monde et de nombreux curieux. Vêtu d’un costume sombre, sans cravate, sandales vertes en plastique aux pieds, il est apparu amaigri, les joues creuses, menotté, avec une corde autour de la taille avant le début de la séance qui a duré quasiment deux heures, de 2 h 30 à 4 h 15 (heure française). S’exprimant en anglais, il a rappelé avoir dédié « deux décennies de sa vie à relever Nissan et bâtir l’alliance », une entreprise qu’il dit aimer. Le dirigeant franco-libanobrésilien affirme « avoir agi avec honneur, légalement et avec la connaissance et l’approbation des dirigeants de la compagnie », selon une déclaration écrite qu’il a lue. Le juge a justifié, de son côté, son maintien en détention par un risque de fuite à l’étranger « oùila des bases » et d’altération de preuves.
Foule au tribunal
Dès les premières heures de la matinée, une longue queue s’était formée devant le tribunal. Plus d’un millier de personnes, parmi lesquelles de nombreux journalistes étrangers, ont patienté dans le froid pour tenter de décrocher une des rares places dans la salle : seulement quatorze tickets ont été alloués par tirage au sort à des membres du public, pour assister à la comparution du célèbre accusé. L’ambassadeur de France au Japon, Laurent Pic, était présent « dans le cadre de la protection consulaire », tout comme son homologue du Liban. La procédure de comparution de ce type est rare, seulement 0,6 % des détenus ont fait une telle requête l’an dernier. Elle n’a quasiment aucune chance de changer le cours des choses mais la portée symbolique est forte pour Carlos Ghosn, qui a pu rompre le silence médiatique dans lequel il était muré depuis plusieurs semaines. « Même si ça n’est que dix minutes, pour lui c’est très important de pouvoir dire au monde sa vérité à lui », a réagi Flavien Neuvy, directeur de l’Observatoire Cetelem de l’automobile basé à Paris. Son équipe d’avocats, menée par un ancien procureur, Motonari Otsuru, va déposer une demande de fin de détention pour son client qui est actuellement en garde à vue jusqu’à vendredi sur les soupçons d’abus de confiance.