À Aix-en-Provence, «la veuve noire» conteste les faits
En appel, devant les jurés des Bouches-du-Rhône, Patricia Dagorn, 58 ans, comparaît depuis hier et jusqu’à mardi pour assassinats, empoisonnements avec préméditation, administration de substances dangereuses et vols. Les premiers jurés l’avaient condamnée à vingt-deux ans de réclusion criminelle. « Je continue à contester les faits. Beaucoup de choses me choquent. Elles ne correspondent pas à la réalité que j’ai vécue », indique en préambule celle qui est accusée d’avoir séduit en 2011 et 2012 dans le Var et les Alpes-Maritimes, de vieux messieurs pour les spolier. Franceso Filippone à MouansSartoux et Michel Knefel, à Nice auraient succombé à cause de cette liaison dangereuse. Deux autres retraités, qui sont parties civiles, Robert Vaux de Fréjus et Ange Pisciotta de Nice, ont survécu à l’administration de Valium mais ont vu leurs facultés dangereusement diminuer quand il fréquentait Patricia. Le commandant Pierre Batty, chef de la brigade criminelle de la police judiciaire niçoise rappelle l’étrange et dramatique histoire de Patricia Dagorn. « En 1989, elle est victime de son compagnon, qui est reconnu coupable de viol avec acte de barbarie. Elle va pourtant l’épouser quatre ans plus tard. » En 2010, elle quitte une vie monacale dans le Gers pour un nouveau départ sur la Côte d’Azur. Patricia Dagorn s’inscrit dans une agence matrimoniale de Saint-Raphaël. Elle souhaite rencontrer « des hommes de 50 à 80 ans, voire plus ». Le commandant Catherine Messineo évoque «toujours le même mode opératoire comme chez les tueurs en série ». Une analyse que ne partagent pas les avocats de l’accusée, Me Rimondi et Me Huissoud.
«Toute sa vie dans une valise»
« Elle accorde ses faveurs sexuelles puis s’immisce dans leur vie et essaie de s’accaparer de leurs biens par tous les moyens», poursuit le commandant Messineo. Outre des octogénaires plutôt aisés, Patrica Dagorn, désargentée et sans domicile fixe, n’hésitait pas à se lier avec des compagnons d’infortune comme Michel Knefel. Pierre Batty évoque également Guy, un SDF cannois, une victime « oubliée » de la justice. Ces histoires de messieurs drogués à leur insu auraient pu rester impunies. Jusqu’à ce que l’affaire de Roland Mazereau, 88 ans, un retraité d’Annemasse, éclate en 2012. Sa fille donne alors l’alerte : son père est retrouvé nu, confus, maltraité. Patricia Dagorn, sa récente compagne, est condamnée à cinq ans de prison pour abus de faiblesse, vol et violences sur personne vulnérable. Une condamnation qui sera l’occasion, pour la justice niçoise, de rouvrir certaines procédures un peu vite classées. La PJ est chargée de reprendre des enquêtes souvent lacunaires. Pas simple : Francesco Filippone a été incinéré en Italie. Et l’ensemble des scellés ont été détruits dans l’enquête sur la mort de Michel Knefel. Malgré ces contretemps fâcheux, les enquêteurs accumulent des indices graves et concordants à l’encontre de Patricia Dagorn. « Dans sa valise il y avait toute sa vie », se souvient le commandant Messineo en dressant un rapide inventaire : « Un faux bail, des testaments, des procurations, des assurances-vie, des photocopies de cartes d’identité… et des fioles de Valium ».