« Beaucoup de Britanniques sont partis depuis trois ans »
Ils sont jeunes actifs, commerçants, retraités, acteurs du tourisme. Certains sont britanniques et vivent sur la Côte d’Azur. D’autres, à l’inverse, sont des Azuréens établis en Grande-Bretagne. Entre inquiétude et optimisme, ils évoquent les conséquences possibles d’une sortie brutale de l’Union européenne.
Faudra-t-il un visa pour se rendre au Royaume-Uni ou en venir ?
« C’est une possibilité, mais pas une obligation, nuance le Cagnois Daniel Orban, ancien expert-conseiller à la commission européenne. Au regard des 46 ans d’adhésion à la Communauté européenne, puis à l’Union, il pourrait y avoir un accord « soft » sur ce point-là. Il en va de l’intérêt de l’économie britannique plus que des pays de l’Union. Sinon, ce serait une opération perdant-perdant. » Cédric Callé [ci-dessous], Niçois de 28 ans, a répondu à l’appel de Londres en 2015. Employé dans l’hôtellerie, il vient de quitter l’Angleterre pour Edimbourg. En cas de « no deal », il s’attend à « quelques formalités administratives pour prouver que l’on vit et travaille ici depuis un moment. On paie nos impôts aussi, on aura les mêmes droits que les citoyens britanniques. Ce sera plus difficile pour ceux qui voudront venir s’installer. Il y aura peutêtre besoin de visas, de permis de travail, avec la possibilité de refus, voire de quotas... » Ce serait la fin d’un mythe.
Les frais douaniers vont-ils plomber les échanges commerciaux ?
« C’est la douane qui m’inquiète plus que tout. C’est sûr, cela changerait et ralentirait les importations », confie Elizabeth Garnett [ci-dessus]. Tomato soups, baked beans, confiseries... À Antibes, cette Britannique écoule les produits du quotidien anglais chez Geoffrey’s of London , en plus d’approvisionner les supermarchés et l’hôtellerie. Etablie depuis dix-neuf ans sur la French Riviera, Elizabeth « n’arrive toujours pas à croire » à ce psychodrame à l’anglaise. Explication du Pr Orban : « S’il n’y a pas de deal, les Anglais vont réinstaurer les droits de douanes tels qu’ils figurent dans le listing de l’Organisation mondiale du commerce. Un problème essentiellement pour les entreprises. »
Les Britanniques vont-ils venir moins nombreux ?
« Le marché britannique est le plus ancien sur la Côte d’Azur », indique le Comité régional du tourisme (CRT). Il y incarne le deuxième marché étranger (15 %), juste après les Italiens. Il représente 867 000 séjours en 2018, dont 407 000 en hôtels et résidences de tourisme, et 7 000 résidences secondaires. Mais plus que le Brexit, c’est la baisse du cours de la livre, par rapport à l’euro, qui a affecté le tourisme. En 2017 et 2018, le label Côte d’Azur France a donc fait campagne, avec easyJet, pour relancer la fréquentation. Succès à la clé. « En 2019, cet effort sera poursuivi notamment sur la thématique culturelle », annonce David Lisnard, président du CRT Côte d’Azur France. Chez les résidents en revanche, « beaucoup de clients anglais ont quitté la Côte d’Azur depuis trois ans. Ils ont vendu leurs biens et sont rentrés, observe Elizabeth Garnett, à Antibes. Ils ont eu peur de perdre les droits médicaux et sociaux. Et avec la chute de la livre sterling, les retraités ont perdu 20 % de leurs revenus. »
Les liaisons aériennes vont-elles en pâtir ?
Les effets du Brexit se font sentir jusque dans le ciel. La compagnie britannique easyJet a d’ores et déjà « déplacé son siège social en Autriche l’an dernier, pour avoir le passeport européen et ainsi rester dans le cadre de la réglementation européenne », décrypte le Pr Orban. L’enjeu n’est pas anodin pour l’aéroport NiceCôte d’Azur. En 2018, la première plateforme française après Paris a accueilli 1,96 million de passagers en provenance de Grande-Bretagne (soit +4,7% en un an), sur près de 14 millions de clients. Soit un passager sur sept. « Une perturbation des conditions de liaisons entre Nice et la Grande-Bretagne [...] est de nature à nuire à l’attractivité et au développement du territoire », met en garde la direction de l’aéroport, tout en estimant qu’il est « trop tôt pour se prononcer sur l’impact d’un achoppement des négociations. »