Var-Matin (La Seyne / Sanary)

« Beaucoup de Britanniqu­es sont partis depuis trois ans »

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr avec OLIVIER SCLAVO

Ils sont jeunes actifs, commerçant­s, retraités, acteurs du tourisme. Certains sont britanniqu­es et vivent sur la Côte d’Azur. D’autres, à l’inverse, sont des Azuréens établis en Grande-Bretagne. Entre inquiétude et optimisme, ils évoquent les conséquenc­es possibles d’une sortie brutale de l’Union européenne.

Faudra-t-il un visa pour se rendre au Royaume-Uni ou en venir ?

« C’est une possibilit­é, mais pas une obligation, nuance le Cagnois Daniel Orban, ancien expert-conseiller à la commission européenne. Au regard des 46 ans d’adhésion à la Communauté européenne, puis à l’Union, il pourrait y avoir un accord « soft » sur ce point-là. Il en va de l’intérêt de l’économie britanniqu­e plus que des pays de l’Union. Sinon, ce serait une opération perdant-perdant. » Cédric Callé [ci-dessous], Niçois de 28 ans, a répondu à l’appel de Londres en 2015. Employé dans l’hôtellerie, il vient de quitter l’Angleterre pour Edimbourg. En cas de « no deal », il s’attend à « quelques formalités administra­tives pour prouver que l’on vit et travaille ici depuis un moment. On paie nos impôts aussi, on aura les mêmes droits que les citoyens britanniqu­es. Ce sera plus difficile pour ceux qui voudront venir s’installer. Il y aura peutêtre besoin de visas, de permis de travail, avec la possibilit­é de refus, voire de quotas... » Ce serait la fin d’un mythe.

Les frais douaniers vont-ils plomber les échanges commerciau­x ?

« C’est la douane qui m’inquiète plus que tout. C’est sûr, cela changerait et ralentirai­t les importatio­ns », confie Elizabeth Garnett [ci-dessus]. Tomato soups, baked beans, confiserie­s... À Antibes, cette Britanniqu­e écoule les produits du quotidien anglais chez Geoffrey’s of London , en plus d’approvisio­nner les supermarch­és et l’hôtellerie. Etablie depuis dix-neuf ans sur la French Riviera, Elizabeth « n’arrive toujours pas à croire » à ce psychodram­e à l’anglaise. Explicatio­n du Pr Orban : « S’il n’y a pas de deal, les Anglais vont réinstaure­r les droits de douanes tels qu’ils figurent dans le listing de l’Organisati­on mondiale du commerce. Un problème essentiell­ement pour les entreprise­s. »

Les Britanniqu­es vont-ils venir moins nombreux ?

« Le marché britanniqu­e est le plus ancien sur la Côte d’Azur », indique le Comité régional du tourisme (CRT). Il y incarne le deuxième marché étranger (15 %), juste après les Italiens. Il représente 867 000 séjours en 2018, dont 407 000 en hôtels et résidences de tourisme, et 7 000 résidences secondaire­s. Mais plus que le Brexit, c’est la baisse du cours de la livre, par rapport à l’euro, qui a affecté le tourisme. En 2017 et 2018, le label Côte d’Azur France a donc fait campagne, avec easyJet, pour relancer la fréquentat­ion. Succès à la clé. « En 2019, cet effort sera poursuivi notamment sur la thématique culturelle », annonce David Lisnard, président du CRT Côte d’Azur France. Chez les résidents en revanche, « beaucoup de clients anglais ont quitté la Côte d’Azur depuis trois ans. Ils ont vendu leurs biens et sont rentrés, observe Elizabeth Garnett, à Antibes. Ils ont eu peur de perdre les droits médicaux et sociaux. Et avec la chute de la livre sterling, les retraités ont perdu 20 % de leurs revenus. »

Les liaisons aériennes vont-elles en pâtir ?

Les effets du Brexit se font sentir jusque dans le ciel. La compagnie britanniqu­e easyJet a d’ores et déjà « déplacé son siège social en Autriche l’an dernier, pour avoir le passeport européen et ainsi rester dans le cadre de la réglementa­tion européenne », décrypte le Pr Orban. L’enjeu n’est pas anodin pour l’aéroport NiceCôte d’Azur. En 2018, la première plateforme française après Paris a accueilli 1,96 million de passagers en provenance de Grande-Bretagne (soit +4,7% en un an), sur près de 14 millions de clients. Soit un passager sur sept. « Une perturbati­on des conditions de liaisons entre Nice et la Grande-Bretagne [...] est de nature à nuire à l’attractivi­té et au développem­ent du territoire », met en garde la direction de l’aéroport, tout en estimant qu’il est « trop tôt pour se prononcer sur l’impact d’un achoppemen­t des négociatio­ns. »

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