Santé : les libéraux et la Sécu ouvrent une négociation sous pression
Pour pousser les professionnels de santé libéraux à se grouper en « communautés territoriales », le gouvernement a demandé à l'Assurance-maladie de leur faire signer un accord : une négociation s'est ouverte hier et doit aboutir d'ici à la fin avril, faute de quoi l'exécutif légifèrera par ordonnances. De gré ou de force, ils devront travailler ensemble. Médecins, dentistes, pharmaciens sages-femmes, infirmiers, kinés, biologistes, centres de santé... Une cinquantaine de syndicats et fédérations se sont retrouvées dans l’après-midi au siège de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) à Paris. Objet du raout : les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), sorte de réseaux locaux de santé associant des libéraux autour de projets définis en commun, tels que la vaccination ou le maintien à domicile de personnes âgées. Il existe environ deux cents CPTS aujourd'hui. Le gouvernement en veut plus de mille d'ici à 2022 afin de garantir partout « l'accès des citoyens à un médecin traitant » et « la prise en charge des soins non programmés en ville », selon la lettre de cadrage envoyée par Agnès Buzyn à la Cnam fin décembre. La ministre de la Santé a laissé aux négociateurs jusqu'à la « fin avril » pour conclure un « accord conventionnel interprofessionnel » incluant « un socle commun de missions » et un modèle de « financement pérenne » pour ces structures. Pour certains syndicats, l'affaire est entendue. Chez les médecins, le président du SML Philippe Vermesch affirme que « la ministre menace de passer par la loi pour couper les vivres des professionnels de santé qui n'iront pas dans les CPTS ». Son homologue de la CSMF, Jean-Paul Ortiz, met en garde: « Nous ne pourrons accepter un cadre obligatoire contraint, bureaucratique, dans lequel tous les médecins devraient s'engager pour bénéficier des soutiens à leurs efforts. » Plus virulents, les infirmiers de la FNI jugent « inacceptable qu'une négociation puisse se mener sous la menace et le chantage à la contrainte ». Deux autres dossiers vont interférer avec les pourparlers sur les CPTS. Les médecins débuteront la semaine prochaine une négociation sur les 4 000 « assistants médicaux », mi-secrétaires, mi-aides-soignants, qu'Emmanuel Macron leur a promis dans son plan santé dévoilé en septembre. Reste à préciser, « d'ici à la fin avril », quels praticiens pourront en bénéficier et quelle subvention leur sera versée, Agnès Buzyn ayant déjà prévenu qu'elle « devra être dégressive ».
« Le travail en équipe ne se décrète pas »
De leur côté, les infirmiers espèrent conclure un accord d'ici à la fin février, après un an d'âpres tractations, sur leurs règles d'installation, la création de nouveaux actes ou encore le plafonnement de leurs indemnités kilométriques. Pour dénouer cette situation inextricable, les partisans de la réforme espèrent que la Cnam mettra les grands moyens. « L'ambition politique affichée doit être suivie d'une volonté à la hauteur des enjeux », a prévenu Jacques Battistoni, président du syndicat MG France, dans une tribune publiée par Le Monde. Pour le premier syndicat de médecins généralistes, « le travail en équipe ne se décrète pas ». Plus radical, son confrère de la FMF, Jean-Paul Hamon, prédit que sans «unfinancement massif et pérenne », l'exécutif « porterait seul [la responsabilité de] l'aggravation de la désertification » médicale.