A moi comptes deux maux
Depuis , depuis qu’ils sont accessibles à tous, les rapports annuels de la Cour des comptes sonnent aux oreilles des Français comme autant de rappels à la sagesse budgétaire. Incroyable litanie ! Aussi longue qu’un roman russe (en plusieurs tomes) de toutes les gabegies et de tous les errements mégalomaniaques. Défilé boiteux ! Des mauvaises décisions, des erreurs de gestion qui se sont envenimées faute d’avoir été soignées à temps, des héritages historiques mal liquidés : cette année, c’est au tour des salariés d’EDF d’être désignés comme les vilains petits canards. Un haut bûcher fait de tous nos impôts gaspillés, que le citoyen contribuable regarde s’élever en pleurant deux fois : la première fois, c’est de douleur, parce qu’il désespère de l’utilisation de l’argent public. La seconde, c’est de fierté, de vivre dans un pays où la justice (administrative) a (encore) la liberté de tancer les politiques. A leur façon, ce sont des lanceurs d’alerte! Parce que « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration », ainsi que l’affirmait déjà la déclaration des droits de l’homme et du citoyen en . Ce rapport annuel n’est pas un jugement. Il n’entraîne pas de sanctions. Il entraîne de simples recommandations. La tentation est pourtant grande, depuis quelques années, de passer au cran supérieur, d’être un peu plus directifs dans les conclusions adressées au Président, au Gouvernement et au Parlement. Évoquant les milliards d’aides au pouvoir d’achat débloquées en fin d’année, les magistrats de la rue Cambon estiment ainsi qu’elles vont alourdir le déficit public du pays (voir ci-contre). Ils insistent lourdement sur l’impérieuse nécessité de trouver « des économies et des recettes supplémentaires ». « La réduction soutenue des déficits est impérative ». Analyse ou point de vue ?
Le débat est ancien. On peut comprendre l’insistance du rapporteur : un déficit qui enfle, une dette qui se creuse, c’est autant d’efforts imposés aux générations futures. Mais selon la répartition des pouvoirs dans notre vieux pays, la Cour n’est pas le lieu où se fixe la politique budgétaire de la France. Les conseillers ne sont pas les payeurs. Ils ne sont pas, non plus, les décideurs.