Enregistrement de Benalla : le rôle de Matignon en question
Le feuilleton Benalla n’en finit pas de rebondir : Matignon a confirmé, hier, avoir transmis des informations au parquet de Paris au sujet de l’enregistrement révélé par Mediapart, conduisant à l’ouverture d’une enquête et à une tentative de perquisition controversée au siège du site d’information. Jeudi dernier, Mediapart avait publié des extraits sonores d’une conversation entre Alexandre Benalla et Vincent Crase en date du 26 juillet, soit quatre jours après leur mise en examen dans l’affaire des violences du 1er-Mai et en violation de leur contrôle judiciaire. L’ex-chargé de mission à l’Elysée se targuait devant son ami, ancien employé de La République en marche, du soutien d’Emmanuel Macron dans cette affaire.
Le courrier de Matignon ne lève pas tous les doutes
Après la publication de l’article de Mediapart, des journalistes ont tenté de vérifier auprès de Matignon l’hypothèse selon laquelle cette conversation a été enregistrée au domicile de la cheffe du Groupe de sécurité du Premier ministre (GSPM), un service sensible notamment en charge de la protection du Premier ministre. Dans un courrier transmis au parquet de Paris le 1er février, Matignon explique alors avoir mené des vérifications qui n’ont pas confirmé cette « allégation », sans toutefois lever tous les doutes. Cette lettre visait à informer le procureur de Paris Rémy Heitz «en toute transparence », a expliqué, hier, Matignon. Selon une source proche du dossier, c’est sur cette base que le parquet a ouvert ce week-end une enquête pour « détention illicite d’appareils ou de dispositifs techniques de nature à permettre la réalisation d’interception de télécommunications ou de conversations » et « atteinte à l’intimité de la vie privée ». Dans ce cadre, deux magistrats du parquet et trois policiers ont tenté lundi de perquisitionner les locaux de Mediapart, pour se faire remettre les enregistrements, une initiative vivement dénoncée par le site d’information, plusieurs médias et l’opposition comme une atteinte au secret des sources des journalistes. L’enquête s’est poursuivie avec l’audition mardi de la cheffe du GSPM par la brigade criminelle. Selon le Parisien, cette commissaire divisionnaire, qui était entendue en audition libre, a nié avoir effectué ces enregistrements.
« Aucune écoute autorisée »
Selon le Parisien, la policière a reconnu devant les enquêteurs avoir reçu, en présence de son compagnon, Alexandre Benalla à son domicile « sans pouvoir préciser le jour » et a dit ne pas se souvenir de la présence de Vincent Crase. Selon le courrier de Matignon adressé au procureur, elle avait déjà indiqué au directeur de cabinet du Premier ministre, Benoît Ribadeau-Dumas, « ne pas connaître M. Crase ». « Elle dément également que son compagnon ait pu organiser cette rencontre chez elle en son absence », ont ajouté, hier, les services du Premier ministre. Matignon a répété, hier, qu’« aucune écoute administrative n’avait été autorisée ». Le parquet de Paris s’est refusé à tout commentaire alors que l’enquête se poursuit et que le mystère demeure sur le lieu et les conditions de la rencontre clandestine entre les deux hommes. Une critique raisonnée et constructive du macronisme. Tel est l’objet du dernier essai de Roland Cayrol, que l’on sait imperméable au manichéisme. « La social-démocratie se meurt d’avoir réussi, ses objectifs fondamentaux ont été atteints. Et elle n’est pas parvenue à s’en donner de nouveaux. » Ce défi général posé, le politologue passe au trébuchet de l’honnêteté les succès et les échecs du Président. Au chapitre des premiers, son courage d’assumer une vision européenne, la restauration de la verticalité du pouvoir ou encore des promesses de campagne largement tenues. Mais Roland Cayrol n’occulte rien, pour autant, des ornières dans lesquelles le chef de l’Etat s’est lui-même superbement enlisé. Président des riches ? Ce n’est pas qu’une caricature. L’auteur évoque une étude du laboratoire d’analyse économique de Sciences po. Elle montre que «les% les plus riches capteront à eux seuls % des bénéfices des mesures mises en place ». Cayrol de nuancer cependant, en rappelant le pari macronien sur les « premiers de cordée » et sa double philosophie : « Produire puis redistribuer. Libérer puis protéger. » Il soupèse également les authentiques maladresses et les mauvais procès intentés au Président en matière d’autoritarisme ou de mépris des corps intermédiaires. Pour conclure sur la nécessité de voir Emmanuel Macron donner un vrai «cap» à son libéralisme émancipatif, de façon à susciter « un élan » , au-delà du simple pragmatisme. Cela impose, dit-il, de renouer avec le macronisme originel, promesse de souffle démocratique. En « travaillant avec la société », dans une sorte de Grand Débat permanent. Calmann-Lévy, 250 pages, 17,50 euros.