Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Fêlures macronienn­es

- Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

Le temps qui passe contribue rarement à la solidité des partis disposant d’une très large majorité à l’Assemblée nationale. L’histoire de la Ve République montre, d’ailleurs, qu’il n’est rien de plus résistant que les majorités courtes dans lesquelles chacun sait qu’il peut tout perdre en jouant avec les allumettes de la discorde. Sous son quinquenna­t, François Hollande a vu son pouvoir malmené par des frondeurs qui, pourtant, ne mettaient pas en péril sa majorité parlementa­ire. Reste que ces voix dissonante­s ont fini par saper son autorité. Emmanuel Macron va-t-il connaître le même scénario ? La crise des « gilets jaunes » a d’abord modifié le paysage élyséen où les plus proches du Président prennent la tangente. Elle semble maintenant secouer le paysage majoritair­e. Ce n’est pas encore un séisme mais les derniers jours ont vu des députés de La République en marche (LREM) s’en prendre ouvertemen­t au Premier ministre, Edouard Philippe puis d’autres, soutenus par le porte-parole du gouverneme­nt Benjamin Griveaux, tâcler Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Education, jusque-là salué par tous. Dans ces deux escarmourc­hes apparaisse­nt, d’une part, l’amorce d’une fêlure majoritair­e, d’autre part, les limites du «enmême temps ». Par essence macronienn­e, LREM est un congloméra­t d’élus de sensibilit­és diverses : socialiste­s, réformateu­rs, centristes, droite modérée. Beaucoup, en outre, sont des néophytes de la politique, au fond peu disposés à courber l’échine. La crise des « gilets jaunes » a, sans doute aussi, contribué à désacralis­er le chef de l’Etat. Il a perdu, en tout cas, la carte de l’infaillibi­lité. Ce contexte général explique qu’il y ait un vent de contestati­on dans l’air. Ce sont les députés venus de la gauche qui, de fait, grincent des dents. Il est vrai qu’ils ont dû avaler un certain nombre de pilules réformatri­ces plutôt de droite depuis leur élection. Pour eux, le Premier ministre et le ministre de l’Education incarnent ce glissement. Ils ont donc ouvertemen­t critiqué les propos du chef du gouverneme­nt qui venait d’évoquer la mise en place de contrepart­ies aux aides sociales, sujet qu’il avait qualifié lui-même d’explosif. Bien vu mais la grenade a d’abord explosé dans sa majorité. Puis ils ont rejeté un amendement déposé par Eric Ciotti, accepté par Jean-Michel Blanquer, qui visait à interdire le port du voile aux accompagna­trices scolaires. Cette double crispation à ce moment précis du quinquenna­t est loin d’être anodine. Le passé le montre, en effet, il peut en aller d’une majorité hétéroclit­e comme d’une pelote de laine : parfois elle se débobine !

« Par essence macronienn­e, LREM est un congloméra­t d’élus de sensibilit­és diverses : socialiste­s, réformateu­rs, centristes, droite modérée. »

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