Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Signé Roselyne

- Le regard de Roselyne Bachelot sur l’actualité edito@nicematin.fr

Lundi

Martine Aubry exprime une froide colère aux deux ministres, Agnès Buzyn et Nicole Belloubet venues en visite ministérie­lle au CHU de Lille. On croirait un surgé qui gronde des gamines apeurées d’avoir oublié de faire signer leur carnet de correspond­ance. Comment elle, Martine Aubry, a-t-on osé ne pas la prévenir de ce déplacemen­t dans « sa » ville, dans « son » CHU ? C’est bien la preuve du mépris dans lequel ce gouverneme­nt tient les élus locaux ! Sauf que Martine Aubry a bel et bien été prévenue dans les termes et les délais prévus par l’étiquette républicai­ne. L’anecdote est peu reluisante et même grotesque. Elle permet surtout de resituer l’antienne itérative du mépris dans un contexte plus large. Pour la première fois dans l’histoire de la République, les deux principale­s forces politiques de ce pays, en l’occurrence La République en marche et le Rassemblem­ent national n’ont aucun élu local

pour la première et pour le second seulement une poignée, les deux n’étant à la tête d’aucune collectivi­té de première importance. Le rééquilibr­age est inéluctabl­e. Autour de la mare aux grenouille­s des opposition­s, les responsabl­es seraient bien en peine de coasser en choeur. À défaut d’avoir trouvé un Jean-Philippe Rameau pour une nouvelle version de Platée, nos grenouille­s ne peuvent s’entendre que dans une détestatio­n puérile portée à Emmanuel Macron. En perdition dans les sondages, elles voient arriver la perspectiv­e des élections locales de  et  avec la certitude de voir les places fortes qu’elles détiennent depuis des décennies attaquées et peut-être pour certaines conquises. Finalement, ce n’était pas de la colère qu’exprimait Martine Aubry mais bel et bien une trouille bleue.

Mardi

Des observateu­rs commencent à faire remonter les propositio­ns stars qui ressortent du Grand débat.

Certaines sont plébiscité­es comme l’indexation des retraites. Comment ne pas être d’accord pour faire en sorte que les revenus des anciens suivent le coût de la vie ? Sauf que… nous sommes dans un régime par répartitio­n et cette indexation ne peut être obtenue que par deux mécanismes : un recul massif du départ à la retraite –  ans par exemple – ou l’augmentati­on des cotisation­s vieillesse des actifs et donc la diminution de leur pouvoir d’achat. La vraie question à poser est donc : pour maintenir le niveau des retraites que préférez-vous des deux mécanismes ? On peut tourner la question dans tous les sens, les faits sont têtus.

Jeudi

Adieu, veau, vache, cochon, couvée ! Donald Trump avait rêvé de recevoir le prix Nobel de la paix et avait même sommé Shinzo Abe, le premier ministre japonais, de présenter sa candidatur­e au comité Nobel. Patatras… le cuisant échec des négociatio­ns avec Kim Jong-un vient de tout mettre à terre. Ce revers ne faisait pourtant aucun doute pour les connaisseu­rs du

dossier. L’arsenal nucléaire est le passeport de survie du dirigeant nord-coréen et il n’a aucune raison de se faire rouler par un bonimenteu­r qui utilise des méthodes de vendeur de bagnoles pourries. Au-delà, même si on peut créditer à Donald Trump le mérite d’avoir essayé de débloquer un dossier impossible, comment le comité norvégien pourrait-il attribuer un prix aussi emblématiq­ue à un dirigeant qualifié de raciste et d’escroc par son ancien avocat, un président qui met sur le même blanc les défenseurs des droits humains et les suprémacis­tes blancs, qui veut que l’armée tire contre les migrants qui franchisse­nt illégaleme­nt la frontière, qui s’en prend tous les jours àlaliberté­delapresse­etaux journalist­es et qui, icing on the cake, vacille sous la menace de procédures judiciaire­s explosives ? Les jurés Nobel n’ont pas toujours brillé par leur sens de l’à-propos, mais là vraiment, même si Hanoï avait été le Canossa de Kim Jong-un, l’attributio­n du prix à Trump aurait été pire qu’un crime, une faute.

Vendredi

Ouf, la semaine dernière, nous avions échappé à une guerre avec l’Italie, cette semaine, nous l’avons frôlée avec les Pays-Bas. Tout semble rentre dans l’ordre après la montée au capital d’Air France-KLM de l’État néerlandai­s, l’amenant ainsi au niveau de l’état français. Certes, le raid batave n’a pas été mené de façon très fair-play, mais un certain Emmanuel Macron aurait mauvaise grâce de s’en offusquer, lui qui usa des mêmes méthodes chez Renault-Nissan quand il était ministre de l’économie… Cette embardée est en grande partie le résultat d’une regrettabl­e erreur d’appréciati­on du nouveau patron de la compagnie le canadien Ben Smith. S’appuyant sur l’indéniable succès de sa reprise en main d’Air France, il a voulu faire fi des habitudes de large autonomie qui avaient été concédées à KLM dans le cadre de la holding en entrant au conseil de surveillan­ce de la compagnie néerlandai­se, humiliant le président de son directoire et accréditan­t l’idée d’une mainmise française sur KLM. Certes, Monsieur Ben Smith avait juridiquem­ent raison mais politiquem­ent tort et vers l’Europe compliquée, il vaut mieux ne pas aller avec des idées anglo-saxonnes par trop simplistes sauf à rencontrer quelques déconvenue­s.

« Pour la première fois dans l’histoire de la République, les deux principale­s forces politiques de ce pays n’ont que peu ou pas d’élus locaux. »

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