Le « phénomène Levothyrox » décrypté Retour sur l’actu
Le Pr Milou-Daniel Drici et son équipe ont étudié à la loupe les effets indésirables associés à la nouvelle formule du Levothyrox. Ils décrivent une situation atypique
L’affaire défraie la chronique depuis près de deux ans. Tout commence en mars , avec la modification (sans information préalable) de la formulation du Levothyrox, médicament utilisé par plus de millions de personnes. Objectif : le rendre « plus stable ». Mais, très vite, dès le mois de juillet , des centaines, puis des milliers de patients traités par cette nouvelle formule, vont se plaindre d’effets secondaires parfois très invalidants : fatigue, maux de tête, insomnie, vertiges, douleurs articulaires et musculaires… La polémique s’emballe, et le ministère de la Santé va se résoudre à faire revenir l’ancienne formule, à l’automne . Le Pr Milou-Daniel Drici, directeur du centre de pharmaco-vigilance Nice-AlpesCôte d’Azur, a décidé de mener l’enquête sur ces effets indésirables. Ces recherches viennent d’être publiées dans une revue scientifique internationale Rencontre.
Pourquoi cette enquête ?
Nous avons été interpellés par le nombre extrêmement élevé de notifications d’effets indésirables associés à la commercialisation de la nouvelle formule du Levothyrox. Nous avons alors décidé d’analyser l’ensemble des événements notifiés en pour ce médicament, mais aussi pour tous les autres médicaments que nous avons sous surveillance. L’étude a porté sur notre bassin de population (Var, A.-M. et HautesAlpes) soit , millions de personnes. Il est apparu que le Levothyrox se distinguait nettement des autres médicaments par le caractère souvent atypique des effets indésirables qui lui sont imputés : les symptômes décrits par les patients sont fréquemment sans lien avec la maladie thyroïdienne dont ils souffrent, et pas davantage avec le traitement.
« Des bouts d’existence »
Aldo Naouri, célèbre pédiatre et auteur d’une vingtaine d’ouvrages à succès dont Les Filles et leurs Mères, L’Enfant bien portant, Les Pères et les Mères, Éduquer ses enfants, Entendre l’enfant, revient avec un ouvrage intime. Les effets indésirables associés à la nouvelle formule du Levothyrox ont été examinés.
Comment comprendre ces effets secondaires atypiques ?
Plusieurs raisons peuvent être invoquées. Tout d’abord, chacun de nous peut ressentir quelque chose qui ne va pas… On peut être fatigué en se levant, avoir des douleurs musculaires parce qu’on a pratiqué une activité physique plus intense que d’habitude, avoir des palpitations après plusieurs tasses de café, etc. Le deuxième facteur est en lien avec les réseaux sociaux, qui tendent à amplifier cette perception. Si je vous demande : « Tout va bien ? »,
« Plus jamais seule ! Quoique... »
Un témoignage très documenté mené avec beaucoup de fraîcheur,
Vous pointez aussi dans votre article la responsabilité des médias traditionnels…
Les médias veulent des nouvelles qui captent l’attention et qu’ils peuvent promouvoir sous la bannière « crise de santé publique ! » À partir de là, et comme le Levothyrox est prescrit
peuvent lui attribuer de manière erronée des symptômes de maux courants.
Quelle responsabilité des médecins dans cette crise ?
Ils sont concernés aussi. Pour des raisons obscures, ils ont, avant l’introduction de la nouvelle formule, véhiculé l’idée que le Levothyrox ne pouvait pas être substitué par un des deux génériques sur le marché ; la qualité de ces génériques était pourtant au moins égale à celle du princeps d’alors. Par la suite, lorsque les patients ont appris que Levothyrox – dont ils avaient entendu qu’il ne pouvait être substitué – allait changer de formule, ils s’en sont logiquement émus. Et les médecins n’ont peut-être pas réalisé alors à quel point leurs patients avaient surtout besoin d’être rassurés.
Le fait d’avoir largement prescrit ce traitement doit-il aussi être mis en cause ?
C’est certain. Le nombre de prescriptions de Levothyrox
« Traité de morale pour triompher des
emmerdes »
dépasse significativement le nombre d’insuffisants thyroïdiens le nécessitant.
Huit mois après son introduction – très appréhendée par les patients – sur le marché suisse, aucune hausse du nombre d’effets secondaires liée à la nouvelle formule n’a été rapportée. Pourquoi cette spécificité française ? L’absence de confiance dans les autorités de santé en France participe peut-être du phénomène. Mais cela reste irrationnel : le signal Levothyrox est typique et limité à la France. Que penser d’une grippe qui s’arrêterait pile aux frontières du pays ?
Vous pointez les effets sur d’autres médicaments de cette crise du Levothyrox…
L’afflux massif d’événements indésirables attribués au Levothyrox en a en effet « éteint » des signaux associés à d’autres médicaments au niveau de l’Europe (les effets indésirables notifiés dans chaque pays sont récupérés au niveau d’une base de données européenne des rapports d’effets indésirables, Ndlr). Or, il aurait été important d’explorer la tolérance vis-à-vis de ces nouveaux médicaments. Au plus fort de la crise du Levothyrox, il y avait un tel « bruit de fond » qu’il était très difficile de percevoir des signalements liés à d’autres molécules.
Où en sommes aujourd’hui de la crise ?
Tout s’est calmé et nous n’avons pratiquement plus de signalements depuis novembre dernier, début des manifestations qui agitent la France… Je ne dirai pas « qu’un clou chasse l’autre » mais cela en a l’apparence. 1. Spontaneous adverse event notifications by patients subsequent to the marketing of a new formulation of Levothyrox…,FundamentalandClinicalPharmacology, décembre 2018. Le philosophe Fabrice Midal dédie un nouvel ouvrage à la méditation, sa discipline de prédilection puisqu’il a fondé en l’école occidentale de méditation. Après Foutezvous la paix ! et commencez à vivre, il revient cette fois aux sources de la sagesse, afin de rétablir une morale authentique et de cesser de se conduire en victime. Un livre qui vise à permettre de traverser les embûches de la vie et d’agir plutôt que de subir. Traité de morale pour triompher des emmerdes,Flammarion,192pages,17,90€.