L’épopée du Saga, plus grand sous-marin civil du monde
Lancé par le commandant Cousteau dans les années 6O, achevé par la Comex, puis tombé dans l’oubli dans un hangar marseillais, le submersible a été rénové par un groupe de passionnés
La Méditerranée, par sa situation géographique, son climat tempéré et son histoire, a de tout temps été le sanctuaire de la plongée. Elle a aussi été le théâtre d’innovations technologiques qui ont bien souvent marqué l’histoire du monde marin. Ce qui est le cas du Saga (acronyme pour “sousmarin d’assistance à grande autonomie”), premier submersible civil au monde. Un engin qui a été pensé, dans un premier temps, par le commandant Jean-Yves Cousteau et son équipe, en réponse au besoin d’aller plus profond et de séjourner plus longtemps sous l’eau, tout en apportant un certain confort aux plongeurs tributaires de paliers toujours plus longs à mesure que les profondeurs augmentent. Dans les années 60, Cousteau développe ainsi le concept de «Lamaison sous la mer », un caisson d’habitat qui abrite des scaphandriers professionnels en séjour jusqu’à moins 100 mètres, d’une durée maximum d’un mois, en respirant de l’héliox. Mais il veut aller plus loin en intégrant un caisson d’habitat dans un sous-marin, et rendre la performance mobile dans des profondeurs encore jamais atteintes hormis par la robotique.
Des difficultés financières
En 1967, le projet «L’Argyronète qui plus tard est renommé Saga ,voitle jour à la base de recherche Cousteau, à l’Estaque (Marseille). En 1970, la gigantesque coque d’habitat fait une entrée très remarquée dans le petit village de pêcheurs. A cette époque, le commandant visionnaire emploie 115 personnes, ingénieurs, techniciens, et plongeurs. Mais le manque de subventions va stopper net le projet. Et il faudra attendre le début des années 80, pour que Henri Delauze, à la tête de la Comex (société spécialisée dans l’ingénierie et le monde sous-marin), ne le relance. Il estime en effet que la technologie sousmarine a suffisamment progresser pour rendre le projet viable, et fait alors l’acquisition de la coque et du matériel. Une équipe, formée d’ingénieurs de la Comex et d’anciens de l’équipe Cousteau est reconstituée. Le Saga sera son nom. Différents des soucoupes plongeantes de l’époque, il va servir de banc d’essais des technologies nouvelles. « Développé conjointement par la Comex et Ifremer (réunis au sein d’une GIE), le Saga est inauguré en 1987 en présence de Jacques Chirac. Puis de 1988 à 1990, il effectue des missions en mer et inscrit un record du monde de sortie plongeur d’un sous-marin à - 316 m, jamais Bijou de modernité à l’époque de sa conception, le permettait à six personnes de vivre à son bord, et de pouvoir travailler, par exemple, sur des installations pétrolières, à près de mètres de profondeur. Il aura effectué plongées, la dernière en . égalé à ce jour », raconte Marius Orsi, ancien responsable fabrication chez Comex et Ifremer.
D’importantes avancées technologiqueS
Le ministère français de l’Industrie et de la Recherche apporte alors son soutien financier, ainsi que l’Europe, qui prend en charge certains coûts de développement technologique. Cette “maison sous la mer mobile”, devient un vrai terrain de jeux technologiques avec l’utilisation de deux moteurs Stirling qui fonctionnent à l’oxygène pur stocké par cryogénie. Mais aussi le développement de réservoirs très hautes pressions 400 bars afin de réduire le poids. « Le Lara, un appareil respiratoire en circuit semi-fermé Il était possible de stocker dans le autant d’énergie que dans les batteries d’un sous-marin militaire conventionnel de tonnes ! L’autonomie importante qui en découle est obtenue par l’utilisation de moteurs thermiques anaérobies de type Stirling et du stockage de l’oxygène en phase liquide, la forme la plus dense qui soit. pour grande profondeur, et tant d’autres caractéristiques développées sur le Saga, sont encore jourd’hui présente dans la filière sous-marine » ,explique Michel Bourhis, ancien de la Comex et de l’Ifremer. Une fois les objectifs de qualifications atteintes, la validité des nouvelles technologies à bord obtenue et le retrait d’Ifremer du GIE en 1990, l’avenir du offshore est mis à mal avec l’annonce de la première guerre d’Irak. L’utilisation à but scientifique du submersible et le coût de ses opérations devient très vite excessif et hors budget pour la Comex. « Loin d’être un échec, la construction du Saga a permis de valider de nombreuses nouvelles techniques toujours d’actualité aujourd’hui. Ce fut surtout une sacrée aventure humaine, menée par Henri Delauze et son équipe d’ingénieurs, de techniciens et de plongeurs », rappelle Marius Orsi.