Des milliers à défiler à Paris et Marseille
Des milliers de manifestants, nés en France ou de l’autre côté de la Méditerranée, se sont rassemblés hier en France contre un 5e mandat de Bouteflika. Quelque 6 000 personnes à Paris selon la préfecture de police (10 000 selon un des organisateurs), 1 000 à Marseille, quelques centaines à Toulouse : pour beaucoup drapeau algérien à la main ou sur le dos, les membres de l’importante diaspora établie dans l’ancienne puissance coloniale de l’Algérie sont descendus dans la rue.
« Place aux jeunes »
Le président « est inconscient, il n’existe plus, ce sont les généraux et son entourage qui profitent dans son dos » , dénonce un manifestant de Toulouse, Asri, 54 ans, installé en France depuis 31 ans. « Nous voulons que les 40 voleurs s’en aillent, ils sont allés trop loin, ils ont dépassé les limites. » À Marseille, la foule de tout âge s’est réunie dans une ambiance bon enfant porte d’Aix, le quartier historique de l’immigration algérienne. « Je suis très fière » de la mobilisation, se réjouit Iptaa Handburg, 30 ans. Pour cette médecin urgentiste née en Suisse, il faut aujourd’hui faire « place aux jeunes ! » : « Si demain, ce pays n’est plus gouverné par des mafieux, je rentre. » Abderrahmane Mokrani, 73 ans, se dit lui aussi « très fier car la peur a changé de camp ». «Laïcà100%» , il espère une nouvelle constitution et une « deuxième République en Algérie », libre et sociale.
« Rendez-vous avec l’histoire »
Sur l’emblématique place de la République à Paris, les chants alternaient avec les slogans (« Dégage, dégage », « Pouvoir assassin ») dans une foule brandissant des pancartes pour dire « Non au mandat de la honte » ou proclamer que « Le peuple veut changer de régime ». Quelques heures avant le dépôt de candidature de l’actuel chef de l’État, les orateurs criaient « leur révolte », appelaient à « l’État de droit et à la démocratie ». « L’Algérie a rendezvous avec l’Histoire », affirmait l’un d’eux. Depuis 1962, date de son indépendance, « l’Algérie est gouvernée par les mêmes hommes, le même système. [...] L’Algérie est à plat, alors que c’est un pays potentiellement très riche. Que laisse-t-on aux générations futures ? », s’insurgeait un manifestant, Abderrahmane Hamirouche, informaticien de 62 ans.
« Ça va être un printemps »
Nadia Tamzali, une médecin franco-algérienne de 62 ans, dénonçait de son côté « la confiscation de la parole » et « la prise de pouvoir par les militaires ». « Ils ont tué la culture -- pratiquement tous les cinémas ont disparu. Et la santé !.. », déplorait-elle. A ses côtés, une amie relève ironiquement : « On n’a pas d’hôpital mais on a une grande mosquée ! » Pour Sabria Dehilis, secrétaire nationale chargée des médias à l’étranger du parti Les Avant-gardes des libertés, le mouvement actuel de contestation, sans précédent en Algérie et dans la diaspora, préfigure un changement : « Ça va être un printemps ». « Un printemps pacifique », ajoute-t-elle.