Plus de plaignants déboutés contre Merk
Ils intentaient un procès au laboratoire allemand dans le cadre d’une action collective après le changement de la formule du médicament, qui aurait provoqué des troubles graves
La justice civile a débouté, hier, les 4 113 malades de la thyroïde qui avaient assigné le laboratoire Merck pour « défaut d’information » autour du changement de formule de son médicament Levothyrox. Cette affaire avait donné lieu à un procès hors normes en décembre dernier. Sur la demande principale « tendant à établir l’existence d’une faute délictuelle » du laboratoire allemand, le tribunal d’instance de Lyon, où le groupe pharmaceutique a son siège français, a estimé que Merck avait oeuvré dans les règles et de concert avec les autorités sanitaires françaises. Le jugement retient que «laqualité et la valeur thérapeutique du médicament nouvelle formule » étaient « certaines » et que sa notice contenait des informations « suffisamment précises et pertinentes » pour les patients concernés. La justice estime ainsi que le laboratoire n’a commis aucune faute. Les plaignants, qui réclamaient une réparation de 10 000 € chacun, soit plus de 41 M€ au total, ne seront donc pas indemnisés.
« Déception, frustration »
« C’est une déception, une frustration, le sentiment que la plupart de nos arguments n’ont pas été pris en compte », a regretté devant la presse le principal avocat des plaignants Christophe Lèguevaques. Pourtant « nous avions communiqué beaucoup d’éléments » sur les manquements de Merck quant à la préparation, au suivi et à l’accompagnement des malades dans cette affaire, a-t-il ajouté. Les plaignants ont 15 jours pour faire appel du jugement. « La décision qui se pose est d’aller en appel ou bifurquer vers le TGI, puisque le tribunal d’instance s’est déclaré incompétent » au profit de cette juridiction sur le volet « fondement de la responsabilité de produits défectueux » de l’affaire, a-t-il encore indiqué.
Un effet nocebo
Dans l’autre camp, le directeur juridique de Merck France Florent Bensadoun s’est félicité que «lejuge [ait] reconnu la pertinence, au regard du cadre réglementaire en vigueur, du dispositif d’information mis en place lors de la transition ». Cette formule du médicament prescrit contre l’hypothyroïdie a été incriminée, entre mars 2017 et avril 2018, par quelque 31 000 patients victimes d’effets secondaires (fatigue, maux de tête, insomnies, vertiges, etc.). Des médecins ont estimé que la crise pouvait être due à un « effet nocebo », un placebo en négatif : la médiatisation des effets secondaires aurait pu amplifier psychologiquement ces effets chez certaines personnes. Autant de conclusions contestées par les associations de malades comme l’Association française des malades de la thyroïde (AFMT), pour qui le doute doit persister compte tenu de l’ampleur des signalements. L’affaire fait aussi l’objet, au pénal, d’une information judiciaire contre X instruite par le pôle santé du TGI de Marseille. Ouverte le 2 mars 2018 pour tromperie aggravée, blessures involontaires et mise en danger de la vie d’autrui, elle a été élargie depuis au chef « d’homicide involontaire ». Selon Me Lèguevaques, cette procédure pourrait « prendre au moins cinq ans ».