Air cocaïne : des valises d’or et un sac de billets
Devant la cour d’assises spéciale, les réactions croisées du Toulonnais Frank Colin et de son ami douanier aux déclarations faites par Nicolas Pisapia, absent du procès
Après les deux pilotes du vol de Punta Cana, Pascal Fauret et Bruno Odos les jours précédents, ainsi que leurs employeurs Pierre-Marc Dreyfus et Fabrice Alcaud, associés dans la gestion de la société nouvelle trans hélicoptères services (SNTHS), c’est le Toulonnais Frank Colin qui a été le plus sollicité hier, devant la cour d’assises spéciale d’Aix-enProvence. On lui a demandé de réagir aux déclarations qu’avait faites Nicolas Pisapia, pendant la procédure pour importation de stupéfiants en bande organisée. Celui qui apparaît à ce procès comme l’homme de confiance de Frank Colin, ses yeux et ses oreilles sur le terrain, lors des vols vers la République dominicaine et l’Équateur, n’est pas présent au procès d’Aix. Il lui est interdit de quitter la République dominicaine, où il a fait un pourvoi contre sa condamnation par la justice de ce pays.
Vol de Puerto Plata, un transport d’or ?
Impossible dès lors de provoquer une confrontation à la barre entre les deux hommes. Selon Nicolas Pisapia, Frank Colin lui avait dit à l’automne 2012 qu’il avait rencontré le mystérieux « Rayan », présenté comme le commanditaire du trafic de cocaïne. Colin lui avait demandé de se rendre à l’aéroport de Puerto Plata, pour rencontrer un ami de Rayan, un certain « Maurice », afin de ramener en France des valises qui contenaient de l’or. « Maurice, la cinquantaine, petit, gros, dégarni, portant des lunettes de vue, européen, parlant avec l’accent parisien, m’a dit qu’il s’occupait de tout, avait témoigné Nicolas Pisapia. Il y avait une dizaine de valises. Je n’ai pas vu ce qu’il y avait dedans. Frank m’a dit qu’il y avait 30 kg d’or dans chaque valise. « À l’arrivée à La Môle, je n’ai vu qu’un seul douanier, Xavier (le douanier toulonnais François-Xavier Manchet, ami d’enfance de Frank Colin, Ndlr) qui était avec Colin. Il y avait aussi Rayan. Les voitures sont entrées sur le tarmac, les valises ont été chargées et on est parti pour l’hôtel de Sanary. »
La vocation tardive de Frank Colin
« Il essaye de se défendre comme il peut, 90 % de ses déclarations sont fausses, le trafic d’or n’a jamais existé », a réagi Frank Colin. Il a rappelé que son but était d’infiltrer un réseau de trafic international de stupéfiants, pour y mettre fin en le dénonçant, et accéder ainsi au statut d’informateur rémunéré des autorités françaises. « Je lui ai proposé de le faire, je lui ai dit que c’était dangereux, mais qu’il y avait des gains à la sortie. Il y a été parce qu’il était d’accord, et parce qu’il parlait espagnol. » « Pourquoi vous êtes-vous assigné cette tâche de démanteler des réseaux de trafics de stupéfiants ? », a demandé le président Tournier à Frank Colin. « C’est une activité dans laquelle j’ai voulu m’investir pour mes dernières années, parce qu’elle me correspond et que c’est bien rémunéré. » Une vocation sur le tard en quelque sorte, après un début de carrière dans la sécurité rapprochée.
Les autres vols
Nicolas Pisapia avait aussi expliqué que le deuxième vol, pour Quito, était rentré à vide parce que l’associé de Rayan, qui devait le contacter sur place, ne s’était pas présenté. « Forcément, il a rencontré quelqu’un, a réagi Frank Colin. Il était prévu qu’il parte avec de la marchandise, mais il a eu un coup de chaud. » Quant au troisième vol pour Punta Cana, Nicolas Pisapia avait expliqué qu’il avait bien rencontré « Maurice », qui avait fait apporter les valises à l’avion, mais qu’ils avaient attendu longtemps dans l’appareil, jusqu’à l’intervention de la police dominicaine. Il avait alors téléphoné à Frank Colin pour l’en informer en temps réel. La cour entendra aujourd’hui une enquêtrice de la gendarmerie spécialisée dans l’analyse criminelle.