« Les troubles vécus par les patients ne sont ni reconnus ni estimés »

Lorsque les premiers malades ont témoigné d’effets secondaires qu’ils imputaient à la nouvelle formule du Lévothyrox, d’autres ont suivi. Toujours plus nombreux. Coralie, 49 ans résidant à Saint-Raphaël, justifie sa démarche de déposer une plainte au pénal pour « toutes les souffrances endurées » mais surtout « pour savoir pourquoi » .Elleraconte « l’enfer [qu’elle a] vécu : lorsque mon état s’est dégradé, je n’ai pas écouté tout ce qui se passait ou se disait autour de moi. Mon endocrinologue m’avait parlé du changement de formule en juillet 2017, en me disant qu’il n’y avait pas de danger, que c’étaient juste les excipients qui avaient changé. Mais pour moi, ce n’était pas ça qui était à l’origine de tous mes problèmes parce que ma TSH était bonne [l’hormone produite par la thyroïde, ndlr]. Je me suis battue chaque jour pour avancer – même si cela devenait très compliqué les derniers temps. Je n’arrivais plus à mettre mes sous-vêtements, à m’essuyer après la douche.»

« Ce n’est pas une hystérie collective »

« Mes collègues me gardaient une place de parking près du bureau parce que j’étais incapable de marcher plus de quelques mètres. J’étais très inquiète. Des nuits blanches, j’en ai eu tellement. Après plusieurs mois de souffrance avec un état qui se dégradait de semaine en semaine, mon médecin, après une série d’analyses pour identifier une cause médicale à mes douleurs, a décidé de changer mon traitement. Et là, en vingt jours, j’ai vu une amélioration. Depuis que j’ai arrêté le Lévothyrox, j’ai eu l’impression de revivre. Tous ces maux, je les ai vécus, ce n’est pas “dans la tête”. Ce n’est pas, comme on a voulu nous le faire croire, une hystérie collective. » Brigitte, Raphaëloise également, ne croit pas non plus à l’aspect psychosomatique : « J’étais sous Lévothyrox depuis plusieurs années sans avoir eu de problème. Mais en mars 2017, j’ai commencé à me sentir fatiguée. J’avais des troubles visuels, j’étais essoufflée au moindre effort. Mon médecin m’a orientée vers un cardiologue… Mais rien. Ensuite sont arrivées les douleurs digestives qui m’ont pourri la vie. Jusqu’en août, date à laquelle j’ai appris que la formule du médicament avait été modifiée. »

Fatigue et courbature

Martine, de Vallauris, a quant à elle ressenti fatigue, courbature, perte de cheveux, problèmes de sommeil, tristesse, etc., lorsqu’elle a commencé le Lévothyrox nouvelle formule. « Je prenais ce médicament depuis trente ans à la suite d’une opération. » Et Martine va finir par faire le lien entre ses maux et la nouvelle formule : « Personnellement, j’ignorais ce changement et je suis assez pragmatique pour ne pas penser qu’un peu de mannitol et deux gouttes de citron allaient me fatiguer autant [dans la nouvelle formule, le lactose a été remplacé par du mannitol et les laboratoires Merck ont ajouté de l’acide citrique anhydre, un excipient issu du citron, pour limiter la dégradation de la lévothyroxine, ndlr] .» Mais, « comment expliquer que des personnes de tous âges décrivaient les mêmes symptômes, les mêmes troubles ? Les patients qui prennent ce médicament sont hypersensibles au changement, au dosage, qui même équilibré, ne garantit pas le bienêtre au quotidien. » Martine ne mâche pas ses mots : « J’ai l’impression d’avoir perdu deux ans de ma vie à essayer d’expliquer tout ceci. » Et commentant la décision d’hier, elle confie : « Cela montre bien à quel point les troubles vécus par les patients ne sont ni reconnus ni estimés. » Max, lui, a décidé de ne pas se laisser faire et lorsqu’il a fait le lien entre ses symptômes et le changement de formule du Lévothyrox, il s’est organisé. « Quand j’ai su qu’à l’étranger ils avaient toujours l’ancienne formule, j’ai foncé. Je me suis procuré des boîtes, j’ai fait des stocks et je vis encore dessus. Sauf que je m’inquiète : qu’est-ce qu’il va se passer lorsque je n’en aurai plus ? Je n’aurai pas encore l’âge de mourir pour une histoire de finances laborantines ! »