Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Le garage à Harley en danger

Locataire d’un bien exproprié dans le cadre du projet d’échangeur entre et Sanary et Ollioules, ce mécanicien spécialisé en Harley Davidson reçoit l’aide de ses fidèles clients pour se réinstalle­r

- MA. D. mdalaine@nicematin.fr

Tout le monde connaît Eric Bono. Du moins, tout le monde a un jour aperçu le gigantesqu­e « Merci Escota » et son cercueil tagué qui barrent la façade de son garage spécialisé dans la réparation de Harley Davidson. Une inscriptio­n qui saute aux yeux pour peu que l’on emprunte l’A50, au niveau de la commune de Sanary et du petit pont qui enjambe l’autoroute. Elle date de 2010. À cette époque, le patron d’AC Motorbikes, situé au 18 ancien chemin de Toulon, à la frontière d’Ollioules et de Sanary donc, a compris que la création d’un échangeur entre ces deux villes était inéluctabl­e. Et que son commerce, loué à une SCI, était pile sur le tracé. La procédure d’expropriat­ion n’était alors qu’une question de mois. Elle a commencé juste après la déclaratio­n d’utilité publique du projet, ficelée par l’aménageur et les collectivi­tés en 2014.

« Je n’ai jamais été contre de partir »

« Je n’ai jamais été contre le fait de partir, précise-t-il. Moimême, je trouve cette histoire de bretelle d’autoroute bien pratique. C’est plus ce qu’on me propose depuis le début qui m’a révolté… » Et qui le révolte encore. D’après lui, alors qu’un expert évalue

son fonds de commerce et l’indemnité d’éviction à 259 000 euros, Escota, la société autoroutiè­re maître d’ouvrage du projet, ne lui a jamais proposé davantage « que » 100 000 euros. « On peut trouver que c’est une somme, explique-t-il. Mais avec ça, je suis censé gérer mon déménageme­nt, encaisser ma perte de chiffre d’affaires et trouver de quoi me réinstalle­r. Quand je pense qu’ils ont dépensé 400 000 euros pour déplacer

des grenouille­s… » Alors

(1) Eric a décidé de ne partir que si et seulement si on le chassait manu militari.

 euros récoltés

C’est parce qu’il a été touché par son histoire que Gérald Schellino s’est mis en tête d’aider celui à qui il confie sa moto. Son « gris », comme on dit chez les fans de Harley. « Eric, c’est un mec en or ,explique-t-il. Pour ses clients, il ne compte ni son temps ni son argent. A nous de lui rendre

la pareille. Car de luimême, il n’aurait jamais rien demandé. » Une cagnotte a ainsi été lancée pour l’aider à se réinstalle­r, et 900 euros ont déjà été récoltés. « Ici, c’est plus qu’un garage. Il y a une atmosphère qu’on ne retrouve nulle part ailleurs », vante encore Gérald. Effectivem­ent, pas besoin de s’y connaître en gros cubes pour passer au tutoiement et se voir proposer un café dix secondes après avoir franchi la porte de l’atelier. Ici, tout sent le cambouis, l’essence et les belles histoires de motos et d’amitié. La dernière en date sert forcément son lot de beaux sentiments au pays des costauds et des tatoués. Mais Eric, lui, n’a finalement guère le coeur à l’écouter. « Ce que font les gars, c’est fort. Ça me touche à un point… lâche-t-il, ému. Mais ça me gêne aussi : je ne veux pas donner l’impression de faire l’aumône. »Etdeconfie­r qu’il se sent « sans énergie », que cette longue période

à essayer d’obtenir une meilleure indemnité l’a « laminé » physiqueme­nt et psychologi­quement. « J’ai des dettes et on me demande de tout reprendre à zéro. Me faire embaucher à 55 ans ? Impossible. Ça fait des années que j’attends le couperet sans savoir quand il va tomber. Là, on n’en est plus très loin. » Une procédure d’expulsion a été enclenchée par Escota. Si elle est validée par le tribunal, les engins ne devraient plus tarder à s’attaquer au garage. Ce matin-là, alors, Eric sera présent, comme tous les jours depuis son arrivée en 2006. « Je vais le prendre plein fer, le pot. C’est un bout de ma vie qui s’en va… » 1. Escota conteste la somme.

En savoir + Pour participer à la cagnotte : www.paypal.com/pools/c/8cJ6IPtRSc ou sur la page Facebook d’AC Motorbikes

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 ?? (Photos Dominique Leriche) ?? Mécano spécialist­e des Harley, Eric Bono est locataire d’un garage qui s’est fait exproprier par la société autoroutiè­re Escota dans le cadre de son projet d’échangeur sur l’A. Derrière lui, Gérald Schellino, un fidèle client, a lancé une cagnotte pour l’aider à se réinstalle­r.
(Photos Dominique Leriche) Mécano spécialist­e des Harley, Eric Bono est locataire d’un garage qui s’est fait exproprier par la société autoroutiè­re Escota dans le cadre de son projet d’échangeur sur l’A. Derrière lui, Gérald Schellino, un fidèle client, a lancé une cagnotte pour l’aider à se réinstalle­r.
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(DR) L’échangeur d’Ollioules/Sanary tel qu’il verra le jour l’an prochain.
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Eric Bono est installé à Ollioules depuis .

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