Quels enjeux demain pour la filière énergie Grand angle
Pour réussir la transition énergétique, le numérique et les smart grids doivent faire partie intégrante des réflexions d’aménagement. Pourquoi la réalité du terrain est tout autre
Depuis quelques années, les entreprises de la filière Energie gèrent et pilotent, au même titre que l’eau, le gaz et l’électricité, la data qui a fait irruption dans le monde du bâtiment et de la ville. Pour ces dernières, la transition numérique doit aller de pair avec celle énergétique. Réduction de l’empreinte carbone, adaptation de la production à la demande pour lisser les pics de consommation, effaçabilité, conception de bâtiments compatibles avec les smart grids pour une meilleure gestion de ces data... sont autant de sujets que les entreprises de la filière énergie doivent adresser. Quels sont, pour elles, les marchés de demain en matière de rénovation et de construction ? Tel était le thème de la table ronde organisée par la filière Énergie de la CCI Nice Côte d’Azur. Les pistes de réflexion des intervenants...
Une double attente
Pour Olivier Sassi, directeur de l’EPA Nice Eco-Vallée Plaine du Var, le territoire vit une mutation profonde d’où émergent deux axes forts : le premier économique avec la volonté de créer des emplois et le second qui concerne l’amélioration de la qualité de vie des habitants. La Métropole de Nice Côte d’Azur qui a entrepris une démarche vers la smart city voit arriver les premières concrétisations avec le démonstrateur Nice Smart Valley qui expérimente les flexibilités du réseau ; le projet de pilotage énergétique local IRIS ou encore l’EPA Nice Eco-Vallée, parfait exemple d’un territoire écoefficient et connecté.
Surcoût financier
Les ambitions sont là. Pour autant, comme passer du démonstrateur au déploiement sur le terrain ? Peu d’acteurs de la chaîne de valeur de la construction sont disposés à s’engager car, à leurs yeux, le caractère smart des constructions représente un surcoût financier qu’ils rechignent à absorber. « Cela s’explique, analyse Laurence Chrapaty de SLK Ingénierie (La Roquette-sur-Siagne), assistant à maîtrise d’ouvrage pour le compte de l’EPA Nice Eco-Vallée, par une méconnaissance des smart grids. Les opérateurs ont un enjeu de bilan économique et leur but est d’assurer une sortie d’opération avec des viabilités. Les smart grids ne figurant pas dans la réglementation, les maîtres d’ouvrage ne voient pas l’utilité d’intégrer à leurs opérations ces fonctionnalités créatrices de valeurs mais entraînant des surcoûts en construction. » Et l’ingénieur de proposer de réaliser, dès le stade du permis de construire, des études de faisabilité financière d’approvisionnement en énergies afin d’éclairer les maîtres d’ouvrage.
Davantage de réglementation ?
Propos étayés par Patrick Moulard (FFIE, Fédération française des entreprises de génie électrique et énergétique). « Pour le promoteur, l’économie d’énergie fait partie de ses pistes d’économies. Heureusement qu’il y a des cahiers des charges qui poussent l’efficience énergétique », soulignet-il. Faut-il durcir la réglementation ? Olivier Sassi (EPA EcoVallée) a un avis bien tranché : « Les conditions économiques et réglementaires n’existent pas encore pour permettre un développement opérationnel des smart grids. La puissance publique doit créer les conditions pour que le smart grid ready se développe dans les bâtiments. »
Consom’acteur
Magali Chaperon (Eiffage Construction), quant à elle, regarde davantage du côté des utilisateurs qui constituent 60 % de la dépense énergétique. « Avant de proposer une maison, un appartement ou un bureau hyperconnectés, mieux vaut se demander comment faire pour que les usagers utilisent mieux l’électricité et l’énergie. Certes, il faut penser le bâtiment avec un prérequis smart grids auquel on peut rajouter des briques servicielles. La domotique de l’appartement, du bureau ou de la maison sera plus ou moins gradée selon l’usage de son occupant. A charge de ce dernier d’acheter des services additionnels. »
Inventer un modèle économique
Eduquer le consommateur suffira-t-il ? Pas totalement. Les solutions technologiques existent... mais pas le modèle