Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Daniel Guichard : Mon vieux se porte bien !

Samedi 23 novembre à La Palestre au Cannet, le chanteur donne un concert avec ses plus grands succès, de La Tendress eà Mon vieux mais aussi des chansons moins connues

- ALEXANDRE CARINI acarini@nicematin.fr

Il ne porte pas de pardessus râpé, mais il a désormais l’âge d’être Mon vieux. Au téléphone, on reconnaît tout de suite son timbre affirmé, mâtiné de son éternel accent parigot. À bientôt 71 ans (le 21 novembre), sept ans après la sortie d’un dernier album, Notre histoire, Daniel Guichard est de nouveau en tournée. Avec sa crinière de lion et son caractère de scorpion. Absolument pas blasé pour chanter Je t’aime, tu vois à un public fidèle. Incarnatio­n d’un certain âge d’or des variétés, celui que l’on a souvent décrit comme « viril mais charmeur » est pourtant sorti des sillons vinyle tout tracés, pour gagner son indépendan­ce de producteur. À su se démarquer de toutes les modes et de la romance de La Tendresse, pour s’engager sur des sentiers moins balisés, parfois plus engagés. Plus rock’n’roll qu’on ne le croit, Daniel Guichard ! La preuve...

Vous êtes un chanteur à succès avec des titres encore dans toutes les mémoires. Mais depuis vos débuts de fort aux halles et « stockiste » chez Barclay, en passant par les cabarets de Montmartre, rien n’a jamais été vraiment facile pour vous ?

C’est vrai, j’ai dû ramoner un peu. Mais l’avantage d’être un chanteur populaire, c’est que ce sont les gens qui l’ont décidé.

Self-made-man ?

Pas tout à fait, je ne suis pas fabriqué. Ma carrière est due à un cumul de paramètres, le bon moment, la chance, le public… Pendant longtemps, j’étais déjà sous contrat, je faisais des maquettes mais ça ne marchait pas. Et puis un jour, une chanson frétille. Même La Tendresse n’a pas marché tout de suite. Avant, j’avais sorti un album sur des chansons de Paris, et on en a vendu seulement douze, même si Renaud connaît toutes les chansons. C’était pourtant le reflet de ce que j’étais, mais on s’était plantés.

À l’origine, La tendresse ne vous était même pas destinée !

Mais aucune chanson n’est jamais pour quelqu’un ! Il y a juste des auteurs qui travaillen­t pour des vedettes confirmées, comme Audiard avec Gabin. À la base, c’est Mireille Mathieu qui devait chanter La Tendresse, mais le texte n’avait rien à voir avec ce qu’il est devenu. Quand on m’a proposé cette chanson, j’en avais rien à foutre, je ne me voyais pas chanter ce truc-là (il chantonne des paroles à l’eau de rose). J’ai juste gardé le refrain, très joli, et en vingt minutes, à  ans, j’ai tout

réécrit. Quand c’est sorti, les radios n’en voulaient toujours pas. Ce n’est que quelques mois plus tard, lorsque j’ai sorti un autre titre, Reviens, reviens ,un saucisson sympa (sic) que RTL en a fait sa chanson de la semaine. La vague a débordé sur La Tendresse, diffusée dans les discothèqu­es durant tout l’été. Mais c’est vrai qu’il a fallu du temps pour que l’on connaisse le Guichard chanteur, plutôt que l’autre Guichard ministre ! (NDLR : Olivier Guichard, plusieurs fois ministre sous de Gaulle, Pompidou et Giscard).

Mon vieux, ce n’est pas non plus la chanson originale ?

J’avais reçu un paquet de chansons écrites par l’auteur de Jean Ferrat. J’en écoute quelques-unes qui ne m’emballent pas. Et puis je tombe sur celle-ci, avec des aboiements de chien derrière la voix de Ferrat. Je trouve ça pas mal, mais les paroles ne me correspond­aient pas. Elle avait été enregistré­e dix ans auparavant dans un registre plus militant, genre : Quand on travaille aux chemins de fer, on peut pas dire que c’est la misère. J’ai obtenu la permission de changer le texte pour rendre hommage à mon père. J’ai eu plein de problèmes après avec l’auteur, mais bon, elle a quand même touché des droits pour Mon vieux pendant quarante ans ! Ce qui est drôle, c’est que lorsque j’ai proposé mes chansons pour

l’album, en , on m’a dit : « Celle-là, on te laisse l’enregistre­r, mais ça ne marchera jamais, c’est passé de mode » : c’était Mon vieux !

Les modes justement, vous ne les avez jamais suivies. Ce qui était suivre le conseil d’un certain Charles Aznavour !

Aznavour, grâce à qui j’ai fait mes premières radios, m’avait dit aussi : « Je ne vous aiderai jamais, car si vous devez réussir, ce sera naturellem­ent. Et quand vous montez, une fois là-haut, tous ceux qui vous ont aidé à y être veulent vous dégommer ! » Charles a toujours été de très bon conseil pour moi.

Du coup, vous n’avez jamais cherché à faire le tube pour le tube ?

Je m’en fous complèteme­nt. Même si certaines choses me touchent dans les courants musicaux, je n’ai jamais cherché à suivre le mouvement. Je produis ce que je fais depuis quarante-cinq ans, et quitte à faire des conneries, j’y ai mis mon argent, pas celui des autres. Et puis quelques fois, c’est mieux de se la fermer et de rester à l’écart des projecteur­s…

Et pourtant, toujours là, en tournée, à  ans. Est-ce bien raisonnabl­e ?

Pour l’instant ça va, mes urines sont claires ! Le jour où je n’aurai plus de public, je ne ferai plus de tournée, pas besoin de faire mes adieux. Là, je m’amuse encore.

« Viril mais charmeur », ça vous va ?

Ouais, pourquoi pas. Je m’en contre-tape un peu même si ça fait plaisir. J’aurais pu être raffiné et distingué, ça m’allait aussi !

Parigot, et fier de l’être ?

Ah, j’ai emménagé dans le Sud depuis trente ans, à côté de Béziers, mais j’ai toujours l’accent parisien. Et mes enfants n’ont pas chopé celui du Sud, sauf pour dire « jaune ». Je n’écris pas de chanson sur le Sud, j’y suis, j’en profite, car le soleil y est gratuit.

Vous êtes issu d’un milieu populaire, hors du show-biz. Pourquoi ce métier ?

(Enthousias­te) Je voulais être chanteur ! Petit, ma mère me faisait chanter Tino Rossi. Quand j’ai voulu créer un groupe, mes potes avaient du bon matos, mais moi, je n’avais qu’une guitare pourrie. Je regardais Salut les copains, Hugues Aufray. Je me suis pris au jeu, et j’ai chanté.

Votre look, votre crinière, ça a aidé ?

Ah, pour les cheveux et la voix, je dis Merci maman. Aujourd’hui, j’ai quand même moins de cheveux, mais je ne suis pas encore chauve. Le whisky-coca, j’ai arrêté, le champagne et les clopes aussi. Y a un temps pour tout...

Malgré votre style, vous avez aussi produit la souris déglinguée, un groupe punk rock. Vous auriez pu être rockeur ?

J’ai toujours adoré ! J’aime aussi la musique qui bouge, qui fait taper du pied. Mais pour faire du rock, je ne sais pas si j’aurais été un bon client. Rockeur, c’est aussi un mode de vie, et ça ne finit pas toujours très bien. Et puis il ne faut surtout pas tricher ni faire semblant, comme le font certains. Mieux vaut être un chanteur ringard populaire qu’un rockeur bidon !

Savoir + : Daniel Guichard en concert à la Palestre, le samedi 23 novembre à 20 h 30 à la Palestre au Cannet. Tarifs : 40 à 55 euros. Renseignem­ents : 04.93.46.48.88.

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Il a fallu du temps pour connaître Guichard le chanteur”

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Le jour où je n’ai plus de public, je ne fais plus de tournée, pas besoin d’adieux”

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Mieux vaut être un chanteur ringard populaire qu’un rockeur bidon !”

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(Photo Gérard Baldocchi) Une fois n’est pas coutume, Daniel Guichard porte aussi le blouson cuir de rockeur. Mais pas le pardessus râpé de Mon vieux !

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