Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Le maire de France

- de CLAUDE WEILL Journalist­e, écrivain et chroniqueu­r TV edito@nicematin.fr

« L’expérience a changé le regard sur la société de ce Président élu à l’Elysée sans avoir jamais tâté le cul des vaches. »

« J’ai tant appris de vous ! » L’adresse d’Emmanuel Macron au Congrès des maires valait hommage et aveu. Celui qui se désigne comme le maire de la commune France sait ce qu’il doit à ces notables à écharpes qui lui ont littéralem­ent sauvé la mise, au plus chaud de la crise des « gilets jaunes », quand la République tremblait sur son socle. L’expérience a changé le regard sur la société de ce Président élu à l’Elysée sans avoir jamais tâté le cul des vaches, pur produit d’une élite française biberonnée à la culture techno-centralist­e qu’on enseigne dans les grandes écoles. Avec lui, c’est toute la noblesse d’Etat qui a, soudain, eu la révélation de la réalité et des angoisses de l’autre France, qu’on dit « périphériq­ue », France des bourgs aux rideaux de fer baissés, des villages désertés par le service public. Elle a découvert aussi la richesse irremplaça­ble de ce maillage communal unique : cette France des   mairies et   élus locaux, que les esprits forts tenaient pour une survivance folkloriqu­e, et qui a montré une formidable capacité de résilience. Il y aura un avant et un après. Et si les vieux réflexes étato-jacobins de la technostru­cture ne reprennent pas le dessus, on peut compter au nombre des « dogmes qui ont vécu » [Macron dixit], cette idée, héritée de l’obsession centralisa­trice de l’Ancien Régime, selon laquelle pour faire mieux et moins cher, il faut faire grand. Et au nom de la « rationalis­ation », administre­r le pays comme un jardin à la française, dont toutes les allées ramènent au centre. Cela a donné le projet de « Grand Paris », les « grandes régions », supposées sources d’économies d’échelle et qui, finalement, coûtent plus cher, les intercommu­nalités forcées, la création des métropoles, qui menacent d’accélérer la désertific­ation des zones excentrées. Pour nombre d’urbanistes, cette idéologie du big is beautiful est dépassée. C’est une réponse du XIXe siècle aux problèmes du XXIe. Si la concentrat­ion urbaine avait une logique au temps de l’exode rural et de la révolution industriel­le, on la paie cher aujourd’hui : coût du logement, déglingue sociale des « quartiers », temps de transport, etc. A l’heure d’Internet et du télétravai­l, plus besoin de cités dortoirs à proximité de l’usine. La verte Lozère, moins de  habitants au kilomètre carré, devient un repaire de startupers en chemises à carreaux. C’est ça, aujourd’hui, la modernité. Le small, le local relèvent la tête. Inspirée du « Grand Débat », la loi « Engagement et proximité » redonne des marges d’action aux maires ruraux. La création des maisons « France Service », le plan « Très Haut Débit », le programme « Action Coeur de Ville », la réaffectat­ion de six mille fonctionna­ires sur le terrain : mises bout à bout, toutes ces mesures, qu’Emmanuel Macron n’a pas manqué de vanter hier, marquent une réelle inflexion de la politique d’aménagemen­t. Une « réinventio­n du territoire », comme il dit ? Il faudra bien davantage. Aller plus loin en matière de déconcentr­ation des décisions et de décentrali­sation des compétence­s. Le chef de l’Etat s’y dit prêt. Il demande à «êtrejugésu­r ses actes ». C’est noté.

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