Le livre du jour
Les bleus à l’âme d’un maire
Pierre-Emmanuel Bégny, ans, est maire de Saâcy-sur-Marne, commune de âmes en Seine-et-Marne. Elu en avril , il ne se représente pas cette année. Il a été terrassé d’une phrase, le juin , alors qu’il était sur le pied de guerre depuis heures du matin pour faire face à la crue de la rivière de son village : « Tiens, regardez-moi cet imbécile, il ferait mieux de nous aider à éponger, au lieu de se pavaner dans la rue ! » « Je n’ai rien montré, mais j’étais échec et mat. Tout mon engagement au service de ma commune venait de voler en éclats », se rappelle-t-il. Ce jour-là, il a su qu’il ne repartirait pas, usé par une lutte quotidienne en étau entre les exigences toujours plus grandes des administrés et le désengagement de l’Etat. Il devinait que sa charge serait lourde. Mais pas à un tel point. « Il n’y a pas d’école ni de manuel Le Maire pour les nuls. Devenir maire, c’est recevoir un parachute sans mode d’emploi. » Les journées interminables truffées d’impondérables, le portable allumé jour et nuit, la perte de compétences au profit de l’intercommunalité, l’annonce, estomac noué, des décès aux familles, la mairie prise pour un supermarché, l’incivisme crasse et le manque de respect, le tout pour € net mensuels, ont eu raison de sa motivation. « Les maires sont de plus en plus considérés par les gens comme des complices de cet Etat contre lequel ils ont des griefs. Nous servons de défouloir. » Sans parler de l’épée de Damoclès juridique. En , se souvient-il, la cour d’appel d’Agen a condamné un maire à dix mois de prison avec sursis pour « turbidité excessive » d’un lac où s’était noyé un enfant. La réévaluation des pouvoirs et indemnités des maires, prévue par la loi Engagement et Proximité, ne l’a pas dissuadé de renoncer, au regard d’une société qu’il perçoit gangrenée par l’individualisme et la haine.
Editions Buchet-Chastel, 208 pages, 17 €.