Casse-têtes pour le retour
Les débroussailleuses s’affairent dans un coin de la cour tandis que trois enfants jouent à la marelle. Eux, filles ou fils de personnels en première ligne, n’ont pratiquement pas quitté les établissements. Ils devraient être rejoints, mardi, par une flopée d’autres minots ainsi que le souhaite le plan de déconfinement du gouvernement. Drôle d’ambiance du côté de l’école Carbonnel de Vidauban. Là, comme un peu partout sur le territoire, on se prépare à une rentrée scolaire un peu particulière. Et si d’ordinaire, ce sont les enfants qui redoutent le retour en classe, ce sont cette fois les adultes qui tremblent… « Je n’y étais pas favorable, je ne le suis toujours pas », lance d’emblée Claude Pianetti, maire de la commune, responsable des écoles et des maternelles. Un point de vue partagé par de nombreux édiles sur le territoire. Reste qu’ici, à Vidauban, on va appliquer la consigne, à contrecoeur. « Il faut remettre le pays au travail, poursuit le premier magistrat. Et penser aux parents qui n’auront pas d’autres choix que de remettre leurs enfants à l’école. » D’où cette mobilisation générale, qui met sur le terrain la totalité du service de l’enfance. Objectif : adapter le protocole afin de garantir une sécurité sanitaire optimale. Une série de consignes sera donc adressée aux familles identifiées grâce à un sondage réalisé par la mairie. Port du masque, lavage des mains, distanciation… « On met tout en oeuvre pour ne pas prendre de risque. » C’est aussi pour cette raison qu’un justificatif de l’employeur des deux parents sera demandé afin de s’assurer que le retour à l’école est impératif. Jean-Yves Huet, à Montauroux, procède de la même façon. « Les établissements ne sont ouverts que si les deux parents ne peuvent pas garder les enfants. » Une procédure rendue nécessaire par le manque de places disponibles afin de respecter les règles du protocole sanitaire. « Il faut un mètre de distance entre les élèves, donc environ 10 enfants par classe maximum », explique-t-on à Vidauban alors que les classes sont aménagées en ce sens. Les questions de la cantine ou du périscolaire le matin et le soir donnent également du fil à retordre aux municipalités, qui s’échinent à proposer le service le plus complet possible. « On accueillera les enfants de 7 h 10 à 18 h 20, avec la cantine. Pour le mercredi, on verra plus tard… » Pour ceux qui vont retrouver le chemin de l’école, tous préviennent : il ne faut pas s’attendre à des cours « classiques ». « Les conditions sont exceptionnelles, rappelle Dominique Brondello, directrice de l’école Carbonnel. Les inquiétudes sont légitimes, de la part des parents et des enseignants. » Ces derniers ne sont en effet pas rassurés. De manière anonyme, mais déterminée, deux d’entre elles évoquent « de la crainte ». «Avecles groupes multiniveau, ça va être compliqué. Les petits de maternelle, difficile de leur faire respecter scrupuleusement le protocole. En plus, ils ne pourront pas jouer ensemble… Bref, on est des cobayes. » Et ce n’est pas fini : « Tout est encore flou. L’Éducation nationale nous dit une
Le protocole, c’est théorique, il faut voir sur le terrain”
chose, les maires une autre. Sur les 54 pages du protocole, c’est de la théorie. Il faut faire avec la réalité du terrain. Et c’est irréalisable. » Quant à l’intérêt pédagogique du retour à l’école, il est pour le moins limité. « Ce sera de la garderie, pas un lieu d’apprentissage. Le pire, c’est qu’avant, avec le télétravail, on pouvait toucher de nombreuses familles. Là, avec le travail que nous aurons dans l’école, il nous sera difficile de nous consacrer à ceux qui restent chez eux. Et ce sont souvent eux, les décrocheurs… » Avec, pour finir, une dernière crainte : « Si on se prend une canicule, comment on va faire ? » Bref : pourvu qu’il pleuve.