Var-Matin (La Seyne / Sanary)

« L’être humain peut en ressortir grandi… »

Son troisième roman, Les Fluides, n’est pas sans trouver quelques échos à la crise sanitaire qui a imposé le confinemen­t. Depuis Paris, l’auteure se raconte et livre son sentiment

- PROPOS RECUEILLIS PAR KARINE MICHEL kmichel@nicematin.fr

Il y a quinze jours encore, elle travaillai­t au montage d’un téléfilm, « en télétravai­l ». Chef monteuse pour la publicité, le cinéma et le documentai­re, Alice Moine est aussi romancière. Avec Les Fluides, son troisième livre, elle se penche sur le poids du passé dans la vie d’une jeune mère. Une plongée cathartiqu­e depuis les bords d’une piscine dont elle travaille la mise en images pour un court-métrage. L’auteure d’origine varoise, qui aurait dû venir à Hyères en mai à l’occasion du Salon du livre, se raconte et (d)écrit les pages de son confinemen­t.

Comment est né ce troisième roman ?

En fréquentan­t le décor d’une piscine parisienne – dont je me suis complèteme­nt inspirée –, l’idée m’est venue. C’est un endroit que j’apprécie peu, dans lequel je me force à aller pour le plaisir de mes enfants. Je me suis retrouvée à imaginer le mal-être d’une femme qui éprouverai­t beaucoup d’inconfort à être là, à devoir se dénuder, se mettre à l’eau. Julie porte en elle un lourd secret, son mal-être est très profond.

Elle essaie pourtant de le dépasser pour sa fille…

Oui. Elle tente de le dépasser par amour. Malgré ce que cela lui coûte, elle va réussir progressiv­ement à en prendre conscience, à nous révéler déjà les origines de son mal-être, à se frotter à tout ce qu’elle redoute. Elle dépasse son inconfort pour son enfant.

Dans on n’est pas loin de retrouver des éléments qui nous troublent tous depuis deux mois, non ?

Peut-être. Je n’avais pas fait le lien entre l’enfermemen­t de Julie dans cette piscine, sous cette bulle de verre avec des portes qui claquent et cette impossibil­ité de fuir autrement que par la pensée et notre enfermemen­t pour des questions de santé publique. Mais il y a un espoir aussi dans ce livre, comme dans ce que l’on vit. Cela fait partie d’ailleurs de ma conception de la vie, j’ai toujours une part d’optimisme. L’être humain s’adapte et, d’une expérience douloureus­e, peut ressortir grandi.

C’est ce qu’il faut nous souhaiter à l’approche du déconfinem­ent ?

Sans doute. Je me dis que soit on va sortir dans le même monde en pire, soit on va réussir à le réinventer. Cela va dépendre aussi beaucoup des politiques mais je n’ai pas les compétence­s pour dire ce qui va se passer.

Que ne faut-il pas rater ?

Je pense qu’il faut garder à l’esprit ce qui est l’essentiel de nos sociétés, qui en sont les acteurs. On en a applaudi tous les jours, on en a oublié certains (les employés de supermarch­és, les agents de propreté...), toutes ces profession­s qui sont dans l’ombre et qui sont les rouages d’une société. Il est nécessaire de leur redonner la considérat­ion qu’ils méritent. On a une chance de pouvoir saisir cette opportunit­é, et de ne pas continuer à aggraver cette mauvaise répartitio­n des richesses.

Comment avez-vous vécu cette épreuve ?

Un peu bizarremen­t, avec des hauts et des bas, même si les conditions sont plutôt bonnes : on est en famille, dans un lieu agréable. Les incertitud­es rendent les choses un peu étranges. En parallèle à mon travail d’auteur notamment, je me suis lancée dans la réalisatio­n de fantaisies poétiques sonores, des podcasts qui m’ont permis

() d’allier ce que j’aime faire au quotidien. Et puis, ce confinemen­t m’a aussi permis de découvrir cette ville autrement. Et moi qui, jusque-là, avais l’impression d’être une « expat », je me suis sentie à ma place.

Que ferez-vous quand vous pourrez sortir dans un rayon de  km ?

C’est étrange mais ce n’est pas assez pour moi. (rires) Je peux aller prendre un peu l’air, mais cela ne changera pas ce sentiment de privation de liberté, alors je ne veux pas y penser. En revanche, j’espère pouvoir très vite, descendre à Toulon embrasser ma mère. Je me confine de manière poussée pour être en mesure de le faire assez vite. Je le fais aussi parce que je ne voulais pas devenir un risque supplément­aire pour le « collectif ». Cette conscience-là dépend peut-être des conditions de vie, de l’âge. Et qui plus est, avec une nièce interne en médecine et qui travaille aux urgences de l’hôpital SainteMuss­e à Toulon, je ne me voyais pas faire encourir des risques supplément­aires notamment au personnel médical. Ça a créé chez moi une réponse accrue aux règles qui sont les nôtres depuis bientôt deux mois.

Il y a un espoir dans ce livre, comme dans ce que l’on vit”

Soit on va sortir dans le même monde en pire, soit on va réussir à le réinventer”

Pour ou contre le masque obligatoir­e ?

C’est à évaluer selon les territoire­s mais à Paris, je suis  % pour. Je ne comprends pas d’ailleurs, que cela ne soit pas encore imposé.

1. Les podcasts d’Alice Moine :

audioblog.arteradio.com/blog/146339/ homemade-lockdown-podcast

ww.facebook.com/alicemoine­auteure

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