Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Les Français et le virus de la défiance

- de MICHÈLE COTTA Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

La confiance est en France la chose la moins partagée. Ainsi les Français jugent avec sévérité le pouvoir sur la façon dont il a géré la crise. C’est une situation particuliè­re en Europe, et sans doute dans le monde. Il est vrai que nos compatriot­es sont spécialeme­nt pessimiste­s, et que leur humeur noire, particuliè­rement à l’égard de leurs dirigeants, est toujours prompte à s’assombrir davantage. Le moins qu’on puisse dire est que la crise du coronaviru­s n’a pas arrangé les choses. Deux critiques dominent en France. La première est que nos gouvernant­s ont mis du temps pour mesurer l’ampleur de la pandémie. La seconde est l’absence flagrante de masques en début d’épidémie, et surtout la doctrine, alors affichée par une grande partie des médecins et du personnel politique, que le masque ne devait être porté que par les malades déjà atteints et les soignants, en contact permanent avec le virus. Sur l’ampleur de la pandémie, il faut dire que l’Organisati­on mondiale de la santé a longtemps temporisé, et qu’on l’a crue. Quant aux masques, oui, il n’y en avait pas assez. Les stocks n’avaient pas été reconstitu­és depuis l’épisode du H1N1, c’est-à-dire depuis dix ans. Restaient un certain nombre de masques périmés, inutiles. Et la compétitio­n internatio­nale était telle quand ils se sont avérés nécessaire­s qu’il a fallu trop longuement les attendre.

Oui, on retiendra cela des débuts de la pandémie en France, et ce premier ratage explique en partie le manque de confiance des Français. Mais, pour le reste, depuis le confinemen­t, peut-on dire que l’affaire a été plus mal menée en France que dans certains pays, en Grande-Bretagne notamment, où Boris Johnson a longtemps – avant d’être frappé lui-même – retardé les mesures élémentair­es à prendre ? Que dire du président américain qui, après s’être gaussé de l’efficacité d’un confinemen­t, se refuse toujours à l’emploi des masques, pour lui et ses collaborat­eurs, se justifiant en disant que les grands chefs, où qu’ils soient, n’ont pas à l’utiliser ? Les Allemands, seuls, avaient mieux anticipé les choses. En revanche, de toute la suite de la crise sanitaire, la France, son corps médical, ses hôpitaux, son personnel n’ont pas à rougir. Face à un virus nouveau, inconnu, il n’est pas anormal que la science ait hésité, et que les dirigeants aient été contraints de changer de pied. Aujourd’hui, ce  mai, les rôles s’inversent : ce sont les Français eux-mêmes qui doivent inspirer la confiance. Car la réussite du déconfinem­ent dépend d’eux.

« Aujourd’hui, ce sont les Français eux-mêmes qui doivent inspirer la confiance. Car la réussite du déconfinem­ent dépend d’eux. »

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