Le tissu économique local comme « anesthésié »
Parer aux grandes difficultés qui vont frapper les entreprises ces prochaines semaines est une urgence pour le tribunal de commerce de Toulon. Ses audiences ont repris, en visioconférence
Ne pas laisser les dossiers en souffrance. Et se préparer aux difficultés qui ne vont pas tarder à frapper les entreprises. Fermé au public, le tribunal de commerce de Toulon reste actif, à l’heure où l’activité économique subit un décrochage sans précédent. « Tout le monde est dans l’expectative, personne ne sait comment va se faire la reprise, quel sera le comportement du consommateur. C’est l’inconnu, qui va conditionner le redémarrage », constate William Reich, le président du tribunal de commerce de Toulon. L’approche du déconfinement est loin de suffire à rassurer.
« Trois vagues redoutées »
« Aujourd’hui, les autorités parlent d’une possible annulation de charges, c’est une bonne chose. Avec trois mois de chiffre d’affaires en moins, une partie des entreprises ne va pas pouvoir tenir. » Pour l’heure, la juridiction consulaire redoute les faillites d’entreprises, en contrecoup de la crise sanitaire, sans en avoir encore compté. De même que les soignants ont craint une vague de malades en réanimation, le juge consulaire redoute « trois vagues de difficultés économiques ». « La première en mai juin, juste après la reprise ; la seconde après la saison estivale, en octobre ; et une troisième au moment où les échéances qui ont été repoussées arriveront à terme .»
Huit cents dossiers en attente
Si le chômage partiel a permis d’éviter des licenciements secs, « il contribue aussi à baisser le pouvoir d’achat des salariés, déjà moins enclins à consommer ».
Dans ce paysage, « tout le monde est anesthésié, comme un boxeur qui aurait pris un coup », tandis que « les difficultés réelles vont commencer à partir de lundi 11 mai ». D’où l’accent mis sur le travail de prévention qui vise à aider l’entreprise (lire ci-contre). Vu le contexte, le tribunal de commerce veut faire passer un message : les dossiers sont traités. Les audiences se tiennent, en visioconférence depuis trois semaines. Un juge dénommé « juge rapporteur » tient audience à distance, même depuis chez lui, sur une plateforme sécurisée, qui fonctionne avec des codes d’accès donnés aux protagonistes de l’affaire – le chef d’entreprise, son avocat, le greffier et le juge. Puis le jugement est rédigé de façon collégiale, avec le regard de deux juges assesseurs (1). Trois juges rapporteurs ont ainsi été nommés à Toulon. « Actuellement, nous avons 800 dossiers en attente, c’est énorme. Je le dis, les avocats peuvent nous saisir, nous continuons de travailler. » Dans l’univers judiciaire, le confinement est arrivé après deux mois de grève dure chez les avocats, ce qui avait déjà mis les délais dans le rouge. Quand aux moyens propres du tribunal, pour assurer la sécurité sanitaire dans l’enceinte du Palais Leclerc, ils sont loin d’être réunis. « Le greffe du tribunal a passé une commande de masques, que nous n’avons pas encore reçus, poursuit William Reich. Pour nous, il est hors de question de réorganiser des audiences physiquement, tant que nous n’aurons pas de moyens de protection suffisants .» 1. Cela est rendu possible dans une ordonnance du 27 mars 2020, modifiant certaines dispositions de procédure.