Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Le mystère des disparus volontaire­s, un cocktail d’émotions on the rocks !

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Coffee-shops aux néons rose et bleu, « cruising » à bord de décapotabl­es sur fond d’Unchained Melody et autres Sweet Little Sixteen de Chuck Berry, sans oublier of course « Elvis le Pelvis », c’est tout l’univers d’American Graffiti, le film culte de George Lucas (sorti en 1973) que Laurence Peyrin ressuscite, avec Les Jours brûlants. C’est dans cette ambiance tutti frutti que Joanne Miller, dixhuit ans, s’éprend, par une belle soirée de l’été 1956, de Thomas Linaker, étudiant en médecine. Vingt ans plus tard, Joanne mène toujours une vie sereine à Modesto, jolie petite ville de Californie.

Rien d’une « desperate housewife »

Plus éprise que jamais de Thomas, devenu son mari, et mère de deux enfants, elle se sent comblée. Rien d’une desperate housewife, n’en déplaise à Brianna, sa fille de dix-huit ans, en proie à une certaine condescend­ance féministe à l’égard de sa mère ! Seule petite note acide dans ce quotidien sucré. Jusqu’au jour où, alors qu’elle rentre de la bibliothèq­ue à vélo, Joanne est agressée. Un homme surgit, la fait chuter, l’insulte, la frappe pour lui voler son sac. Elle s’en tire avec de multiples contusions, mais rien de grave. En apparence, du moins, car à l’intérieur d’elle-même, tout a volé en éclats. De plus en plus, chaque jour, elle perd pied. Son comporteme­nt s’altère, elle fait même peur à ses proches. Elle comprend alors qu’il est temps de partir. De disparaîtr­e. Direction Las Vegas, la « Cité du péché », via la Golden State Highway. « Après mon dernier livre, Ma chérie, qui parlait d’amour absolu, rappelle Laurence Peyrin, j’avais envie d’explorer un thème très différent, celui de la disparitio­n volontaire. Je nourrissai­s une curiosité vis-à-vis de ce mystère, souvent irrésolu. On retrouve parfois un cadavre mais, pour nombre de ces disparus, il s’agit d’un choix. Pour essayer de comprendre ce qui peut pousser une personne à quitter ainsi sa famille, à prendre la décision de l’absence, j’ai utilisé mon expérience de journalist­e pour mener des recherches et recouper des témoignage­s de proches. C’est ainsi que j’ai bâti ce récit. » Quant au choix de situer l’action dans l’Amérique des seventies, il a découlé tout naturellem­ent pour l’auteure de son amour pour le rock : « J’ai bientôt cinquante-quatre ans et j’ai été accompagné­e toute ma vie par Bowie, les Beatles, Led Zeppelin... Et l’une de mes filles vivant à Miami, je traversais souvent, jusqu’à cette crise sanitaire, l’Atlantique. D’où mon envie de rock’n’roll pour la playlist des Jours brûlants. » Autre trouvaille dans ce récit : les intitulés de chapitres, un nom de cocktail différent à chaque fois, en référence au fait que, dans son ancienne vie, Joanne était passée experte dans l’art de concocter de délicieux breuvages alcoolisés pour le plaisir de ses invités. Un talent de reine des cocktails qu’elle ne manquera pas d’utiliser lorsque, échouée au Bunny Bunny , une boîte de strip-tease à Las Vegas, elle préférera le rôle de barmaid à celui d’effeuilleu­se... Du Mimosa « léger, acidulé » au Mezcal Margarita « acide, pimenté

€. » en passant par le black velvet « rock’n’roll » ,letondece qui va suivre est ainsi donné.

Troc de caddies pour vies par procuratio­n

On jubile aussi lorsqu’avant d’abandonner son sweet home et les siens, celle qui apparaît encore comme une honorable mère de famille transforme ses courses hebdomadai­res en passeport pour de nouvelles vies par procuratio­n. En troquant son caddy contre celui d’autres ménagères, dont la blonde Joanne met un point d’honneur à tester tous les produits choisis, teinture capillaire rousse incluse ! « Mes personnage­s ont cette propension à m’entraîner dans des directions auxquelles je ne m’attendais pas, sourit Laurence Peyrin. Ils mènent véritablem­ent leur vie, indépendam­ment de moi. » Et si le propos de ce roman reste grave, puisqu’il s’agit du parcours d’une femme partie à la rencontre d’elle-même, l’ensemble est si habilement dosé, entre goût sucré, acidité et humour, que l’on sirote voluptueus­ement ces Jours brûlants.

On retrouve parfois un cadavre, mais pour nombre de ces disparus, il s’agit d’un choix’’

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Les Jours brûlants. Laurence Peyrin. Éditions Calmann Lévy.  pages. ,

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