Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Pourquoi pas le Brésil ?

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Malgré les cours de yoga et les ateliers boulangeri­e, certains se sont ennuyés ferme pendant la période de « réclusion » que nous venons de connaître. Cléa Vincent, elle, n’a pas perdu son temps. Avec ses textes écrits durant l’automne dernier sous le bras, la trentenair­e s’est lancée corps et âme dans l’enregistre­ment d’un nouveau projet. Trois ans après la sortie de l’EP Tropi-Cléa, elle a concocté un deuxième volet, toujours baigné dans la bossa-nova, mais aussi d’autres influences latines et un soupçon de reggae. Du solaire, du chaleureux à tous les étages... même si les sessions ont eu lieu en sous-sol. « Depuis quelques mois, j’ai un studio d’enregistre­ment sous Le Carreau du temple, à Paris. On ne voit pas la lumière du jour, mais c’est un endroit très stimulant », assure cette valeur montante de la pop française, qui écrit et compose également.

« Antidote »

Là, sur un « superbe piano Yamaha des années 1990 », sur lequel elle avait un jour invité le regretté Christophe à jouer lors d’une soirée, elle a donné forme aux sept titres de Tropi-Cléa 2, dans des conditions proches du live, en l’espace de trois jours. Une bonne bouffée de spontanéit­é, à l’opposé du perfection­nisme lui ayant fait passer plus d’un an à finaliser Nuits sans sommeil, son deuxième album (sorti en 2019). Loin du circuit des grosses maisons de disques, de leur confort mais aussi de leur lourdeur pachydermi­que quand il s’agit de lancer un nouveau projet, Cléa Vincent, signée sur le label Midnight Special Records, a pu présenter le fruit de son travail illico presto. « Les paroles ont été écrites pendant toutes ces grèves et manifestat­ions dans Paris. Je ressentais beaucoup de tension et j’avais envie de légèreté. J’ai essayé de fabriquer mon propre antidote », glisse-t-elle d’un ton badin, au téléphone. Maîtrisant l’art du contre-pied, elle a intitulé l’un de ses titres Du sang sur les congas. Pas question de tirer sur le percussion­niste, mais plutôt de « saigner » la piste et de libérer une énergie positive. « Je l’ai réécoutée récemment et je l’ai perçue d’une autre manière. Comme une chanson du déconfinem­ent, avec une petite pointe de nostalgie. Maintenant, il va falloir attendre un bon moment avant de retourner en club... » Choisi comme single et « clippé », le morceau s’articule sur des rythmes cubains. Bahia et Sans dec, eux, sont basés sur des sonorités brésilienn­es. Assez récurrente dans la discograph­ie de Cléa Vincent, d’ailleurs. « J’ai découvert cette musique à l’âge de quinze ans, en prenant des cours de piano dans une école associativ­e, avec Philippe Baden Powell [le fils d’un célèbre guitariste brésilien des années 1950-1960, ndlr] . Il m’a appris les rudiments de la bossanova, et cela a été une vraie révélation pour moi. »

Souvent citée parmi les figures incontourn­ables de la nouvelle pop, « dans une grande arborescen­ce, un même mouvement réunissant Juliette Armanet, les Pirouettes, Fishbach, Catastroph­e ou Voyou », elle n’en demeure pas moins une intermitte­nte aux revenus précaires. Surtout quand donner des concerts semble impossible, pour une durée pouvant longuement s’étirer. « Il va falloir qu’on imagine d’autres manières de créer l’événement, sans lâcher l’affaire. Je me suis renseignée pour savoir si on pouvait toucher des cachets pour des concerts en vidéo, j’attends de voir. Mais ce ne sera que du bricolage. Sans mesures importante­s du gouverneme­nt, on ne s’en sortira pas. » À la fin de l’interview, on lui envoie par mail le lien d’un article évoquant une idée danoise, consistant à faire rester les spectateur­s dans leur voiture pour assister à un live en plein air. Réponse dans la foulée : « Hahaha ! J’aime bien ! » Si la couronne n’était pas déjà sur la tête de Lorie, on nommerait bien Cléa Vincent reine de la positive attitude.

Il va falloir qu’on imagine d’autres manières de créer l’événement, sans lâcher l’affaire”

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