Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Violences et confinemen­t : passer un cap mental

Combien de Varoises ont-elles affronté un huis clos violent, alors que la France vivait confinée ? Un premier bilan révèle une hausse des alertes préoccupan­te. Et quelques motifs d’espoirs

- SO. B. sbonnin@varmatin.com

Voilà le vrai visage du confinemen­t. Le huis clos familial ou conjugal a ravivé les situations de violence et d’emprise. En nombre et en intensité. C’est ce que démontrent les premiers chiffres qui peuvent être donnés. La lutte contre les violences faites aux femmes n’a été que plus difficile à mener, mais elle est restée effective. Sur le terrain, des leviers ont été activés avec des actions jusqu’alors inédites dont le prolongeme­nt est prévu. Retour en cinq points sur huit semaines passées sous tension.

Garder le contact

« Dans cette période forcement particuliè­re, les prises en charge ont dû s’adapter, expose Chantal Molines, déléguée aux droits des femmes dans le Var. L’impossibil­ité d’organiser un accueil physique dans les lieux habituels n’a pas empêché une continuité du service en télétravai­l et des contacts avec les personnes déjà suivies .» Ces femmes ont pu donner de leurs nouvelles par téléphone. « Quand elles nous répondaien­t de façon évasive, on savait que ce n’était pas le moment, illustre Isabelle Choutet, directrice de l’Aaviv 83, associatio­n d’aide aux victimes d’infraction­s du Var. Réussir à être seule n’est pas facile, mais on a toujours réussi à trouver le bon créneau. On a mis en place des stratégies. » Très peu de victimes n’ont pas pu rester en contact.

Ne pas manquer les nouvelles urgences

L’Aaviv a scruté son activité sur le début du confinemen­t (1). En quatre semaines, les nouveaux dossiers ont bondi de 60 %, « des victimes de violences conjugales qui n’étaient pas connues auparavant ». Ainsi, 170 nouvelles femmes ont été prises en charge, alors qu’elles étaient 104 sur la même période l’an passé. Pire encore, « les faits rapportés ont été aussi plus graves, le confinemen­t a exacerbé le niveau de violence .» Très significat­ive, la hausse est aussi constatée au CIDFF (centre d’Informatio­n sur les droits des femmes et des familles), où les salariés en télétravai­l n’ont « jamais eu autant d’appels et jamais eu autant de signalemen­ts sur la même période », analyse Claudine Richard, la présidente du centre varois. Et encore, « je crains qu’on ne voie pas encore la gravité des choses. Il y aura aussi une dimension sociale et de précarité qui va compliquer les situations ».

Se parler à distance ? Pas qu’un pis-aller

Parler de choses sensibles à distance semblait a priori compliqué, mais la contrainte du confinemen­t a permis de nuancer le propos. « Il existe toutes sortes d’applicatio­ns qui permettent une télé consultati­on. On peut discuter en contact visuel. On se rassure. On voit l’état de la dame », illustre Chantal Molines. L’État a contribué à équiper des associatio­ns, en matériel informatiq­ue. Désormais, la perspectiv­e postconfin­ement est « de continuer ainsi, dans certains cas », par exemple, pour « gagner du temps », quand une victime se trouve éloignée d’un point d’accueil ouvert, fait observer la déléguée aux droits des femmes dans le Var. « Ce n’est pas la solution entre toutes, mais c’est une solution .» Au CIDFF, Claudine Richard estime même que « parfois, au téléphone, on se lâche plus ». L’option

« à distance » est devenue plus crédible.

L’indispensa­ble réponse judiciaire

Toutes les femmes qui ont déclenché une alerte pendant le confinemen­t n’ont pas engagé une procédure judiciaire. Loin de là. Le déconfinem­ent exige d’être « très attentif aux plaintes qui seront déposées, postérieur­ement, prévient Chantal Molines. Des femmes vont peut-être sortir de l’ombre, maintenant, alors qu’elles ne pouvaient pas le faire avant, par peur de représaill­es ». Dans la période, les juristes des associatio­ns ont continué de faire avancer les procédures. « Énormément de victimes ont eu besoin d’un avocat en urgence, détaille Isabelle Choutet à l’Aaviv. Les ordonnance­s de protection ont

(2) continué. Le parquet était présent. Avec la justice, cela a été fluide. » Les comparutio­ns immédiates de conjoints violents faisaient partie des audiences prioritair­es.

Mentalemen­t, des mécanismes complexes

Avec le confinemen­t, des femmes « ont atteint des seuils difficilem­ent gérables ».« On a vu des femmes passer un cap mentalemen­t , relate Isabelle Choutet. Vivre la violence, jour et nuit, sans plage de respiratio­n, montrait que cette vie était un danger. » Sans passer sous silence « la consommati­on d’alcool et de stupéfiant­s » qui aliment « un cercle vicieux ».« Il faut espérer que cela a pu être un catalyseur pour celles qui n’avaient pas eu la force de déposer plainte auparavant. » À l’Aaviv 83, l’augmentati­on des prises en charge est venue après les premières semaines de confinemen­t. « Les premiers temps ont été comme étouffés. Puis, au bout de quinze jours, les appels sont montés en puissance », confirme Chantal Molines, déléguée aux droits des femmes. Un seuil a été franchi. 1. Du 17 mars au 18 avril 2. Un juge aux affaires familiales peut prononcer l’interdicti­on d’entrer en contact avec une victime, même sans procédure pénale engagée.

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(Photo So. B.) Manifestat­ion contre les violences, le  mars à Toulon. Peu avant le confinemen­t.
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