On révise ses classiques
Florence Aubenas, vous vous souvenez ? Otage en Irak durant cinq mois en 2005, cette femme de caractère est avant tout une grande journaliste passée par Libération, Le Nouvel Observateur et Le Monde en qualité de grand reporter. Sa curiosité naturelle et son empathie pour les plus démunis, l’ont incitée, en pleine crise économique de la fin des années 2000, à se mettre dans la peau d’une chômeuse sans ressources en quête d’un CDI. Le quai de Ouistreham raconte cette quête qui l’a conduite à Caen – ville moyenne a priori sans difficultés particulières, où elle n’a aucune attache – pour chercher un travail, affronter les limites et les incohérences du système et découvrir un Pôle Emploi dépassé par l’ampleur de ses missions. Parmi ses nombreux jobs, l’un d’eux consiste à nettoyer, quand ils sont à quai, les ferries assurant la liaison entre Caen Ouistreham et Portsmouth, d’où le titre de l’ouvrage. Au fil des pages, rédigées d’une plume percutante et incisive, de magnifiques portraits de femmes, des rires et des pleurs. Les grands tout et les petits riens aussi. Une enquête journalistique, certes, mais avant tout un récit plein d’humanité.
On ne parlera pas d’un chef-d’oeuvre absolu. D’ailleurs la critique n’a pas encensé la sortie de ce film, sélectionné au Festival de Cannes en 1983, sans y remporter le moindre prix. Pourtant Furyo (prisonniers de guerre, en japonais), de Nagisa Oshima, est de ces longs-métrages qui ne peuvent vous laisser insensible. Par son thème, d’abord, la Seconde Guerre mondiale côté japonais et ses camps de prisonniers alliés sous le joug de tortionnaires nippons sans état d’âme. Par l’interprétation magistrale de David Bowie, ensuite, qui campe dans Furyo un soldat anglais, Jake Celliers, qui oppose une étonnante résistance à son geôlier, le capitaine Yonoi, joué lui aussi par une star de la musique, Ryuichi Sakamoto. Tension permanente, bras de fer moral et culturel rythment ce film deux heures durant. Avec d’un côté, l’impitoyable commandant japonais (Sakamoto), attaché au code d’honneur d’un autre âge et incapable de sentiments. De l’autre, un major britannique (David Bowie), détenu outrageusement beau, qui défie l’autorité de son geôlier, conscient de son ascendant affectif et sensuel. Le tout sur fond de bande-son originale… de Ryuichi Sakamoto en personne, qui gagnera par la suite le BAFTA de la meilleure musique de film. Un film à voir ou à revoir pour le frisson qui parcourra votre échine !