Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Boardwalk Empire le plaisir de Scorsese

Adepte des histoires de gangsters, Martin Scorsese s’essaie au petit écran pour raconter la vie d’Enoch « Nucky » Thompson

- MATHIEU FAURE

Quand on est le papa de Mean Streets , des Affranchis ou de Casino, on peut aisément dire que le gangstéris­me est une vraie passion. Martin Scorsese, les sourcils les plus classes d’Hollywood, maîtrise le genre à la perfection au cinéma mais ne souhaitait pas s’envoler vers l’inconnu pour donner au petit écran une série de mafieux sans assurer ses arrières. Alors, dans son sillage, Scorsese a embarqué Terence Winter, l’une des plumes des Sopranos. Le tout inspiré par le livredocum­ent de Nelson Johnson Boardwalk Empire : the birth, high times, and corruption of Atlantic City. Voilà comment est née la série Boardwalk Empire, avec l’aide de la machine à succès HBO. Ou comment raconter cette ville, sorte de Las Vegas avant l’heure, qui va vivre une ère particuliè­re au début du XXe siècle. Pour comprendre le contexte, il faut rembobiner l’histoire. 15 janvier 1920, la Constituti­on américaine s’envoie un dix-huitième amendement qui va changer la face du pays : la production, la vente et le transport de boissons alcoolisée­s sont interdits.

Sources de la prohibitio­n

Dès lors, le grand banditisme va connaître une nouvelle ère : la prohibitio­n. Un marché noir de l’alcool dans lequel Nucky Thompson (Steve Buscemi, superbe), le grand trésorier corrompu d’Atlantic City dont le personnage s’inspire d’Enoch Johnson (1883-1968), va exceller. Située dans le New Jersey,

Atlantic City est une ville balnéaire proche de Philadelph­ie et New York et qui permet d’acheminer la contreband­e par la mer depuis le Canada. C’est l’endroit parfait pour se faire les dents, et Scorsese en fait le point de départ de sa série. Ce centre de formation de la prohibitio­n va mettre en exergue tous les gros CV de l’époque : Charles « Lucky » Luciano (Vincent Piazza) ou encore Al Capone (Stephen Graham). À l’instar de Gangs of New York, le sujet principal via Nucky Thompson est la ville d’Atlantic City qui, à travers sa métamorpho­se, épouse les changement­s de l’époque. Celle d’une Amérique coincée entre la première Guerre mondiale et le krach de 1929 où les vétérans cherchent une place dans un paysage où la corruption politique et policière est aussi présente que les bars clandestin­s, la prostituti­on et les règlements de comptes sanglants. Mais là où la série détonne, c’est dans le choix de Nucky Thompson comme figure de proue de son univers de mafieux. Buscemi est frêle, pâle, a une dentition exubérante et une voix nasillarde. Quelque part, Nucky a toujours été un homme qui manquait de courage, élevé par un père abusif (la métaphore du parricide est d’ailleurs omniprésen­te dans la série). Thompson ne fait pas peur mais il est malin, fin tacticien et, surtout, plein aux as. À l’époque, cela constituai­t sans doute la meilleure arme de destructio­n massive. Trouillard invétéré, il délègue la sale besogne à des seconds rôles toujours aussi parfaits : son majordome Eddie Kessler (Anthony Laciura), son protégé James Darmody (Michael Pitt), son frère Eli (Shea Whigham) ou encore Richard Harrow, cette gueule cassée spécialist­e du fusil d’élite (Jack Huston). Malgré la fortune, l’empire immobilier et les femmes, Nucky reste insatisfai­t. Au fond de lui, il n’a qu’une envie : se prouver et donc prouver à son père qu’il a réussi quelque chose de sa vie.

Claque esthétique

Série plus visuelle qu’humaine, Boardwalk Empire est une véritable claque esthétique. Producteur exécutif des cinq saisons et réalisateu­r du pilote, Martin Scorsese a mis sa touche d’entrée avec une couleur, un cadre, une ambiance. Sans oublier les décors, XXL, avec notamment cette reconstitu­tion d’une immense promenade surplomban­t la plage d’Atlantic City – la fameuse boardwalk – avec casinos et hôtels de luxe. Le coût du pilote : 18 millions de dollars. Sur le CV de Martin Scorsese, on peut dire que Boardwalk Empire occupe une place de choix. Et pourtant, la concurrenc­e cause.

Al Capone en guest

Boardwalk Empire, 5 saisons, disponible sur OCS.

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