« Des hommes travaillent jour et nuit pour vous »
En ouverture de la vaste concertation qui doit aboutir d’ici juillet, le Premier ministre a plaidé pour « lever les contraintes » et engager des changements « rapides »
Cinq axes pour refonder l’hôpital public en France et le rendre « plus robuste, plus juste et plus efficace ». C’est l’exercice auquel s’est livré hier après-midi, en ouverture du « Ségur de la santé » (expression forgée sur le modèle des fameux « Grenelle », mais en utilisant le nom de l’avenue où se trouve le ministère en question), le Premier ministre Édouard Philippe. Ces cinq axes, ce sont « la reconnaissance pour nos soignants, l’investissement massif, l’agilité retrouvée, l’organisation territoriale, la modernisation par le numérique », a énuméré le chef du gouvernement. Cette vaste concertation, dont la première réunion hier a rassemblé par visioconférence des dizaines de responsables syndicaux, membres de collectifs de soignants et représentants d’Ehpad, des établissements médico-sociaux et de la médecine de ville.
■ Quelles marges de manoeuvre stratégiques ?
Ils s’attellent à une « tâche majeure » ,a reconnu le chef du gouvernement, mais pour laquelle l’exécutif semble déterminé à suivre la ligne ayant guidé sa précédente réforme. Car si ses « propositions » « n’ont pas vocation à limiter le champ de la discussion », a déclaré Édouard Philippe, il a dans le même temps fermé la porte à toute remise en cause en profondeur de la stratégie gouvernementale sur le sujet : « Ce que je crois, c’est que la crise exige de nous, non pas de changer de cap, mais de changer de rythme. » Des propos qui font écho à ceux du ministre de la Santé Olivier Véran, mercredi dernier : sur la réforme de l’hôpital, « nous avons fait le bon diagnostic, nous avons pris les bonnes orientations, mais nous n'avons été ni assez vite, ni assez fort ». Une tonalité déjà présente dans les propos d’Emmanuel Macron lorsqu’il avait été vivement interpellé, le 15 mai, à l’hôpital parisien de La PitiéSalpêtrière.
■ Un calendrier resserré
En outre, et malgré l’ampleur des questions abordées, Édouard Philippe a insisté sur la célérité nécessaire. Des négociations avec les syndicats et les fédérations hospitalières débuteront aujourd’hui et devront « aboutir d’ici début juillet ». Concrètement, le ministre de la Santé, Olivier Véran, a annoncé que chaque semaine se tiendrait un « comité Ségur national » animé par l’ancienne dirigeante de la CFDT, Nicole Notat, et un « groupe Ségur national » sur le thème des « carrières et rémunérations » à l’hôpital public.
■ Des « moyens nouveaux »
Pour obtenir les « résultats qui sont attendus dans tous les hôpitaux, tous les cabinets médicaux, tous les Ehpad », le Premier ministre a réaffirmé la volonté de débloquer d’importants « moyens [financiers] nouveaux ». Ceux-ci serviront d’abord à une « revalorisation significative » des rémunérations des soignants. Très attendue, il faudrait qu’elle soit « de l’ordre de 15 à 20 % » pour être au niveau des pays comparables, a estimé Martin Hirsch, directeur des Hôpitaux de Paris (AP-HP).
Les sommes débloquées devraient aussi abonder le budget de l’Assurance-maladie « dans les années à venir », a déclaré Édouard Philippe, et permettre « un vaste plan d’aide à l’investissement », en plus d’une « reprise massive de dette » déjà annoncée en novembre, pour 10 milliards d’euros.
■ Le temps de travail, « pas un tabou »
Point qui risque d’être beaucoup moins consensuel : le temps de travail. « J’ai dit qu’il fallait lever les contraintes de toute nature. Le temps de travail doit être regardé de la même façon », « ce n’est pas un tabou », a prévenu le Premier ministre, qui entend faire « bouger les lignes » et « lever les contraintes de toute nature ».
■ Mobilisation nationale le 16 juin
Un positionnement dont il restera à voir comment il va être accueilli par des professionnels de santé aguerris par des mois de grève et qui, après trois mois de crise sanitaire, jouissent d’un fort soutien dans l’opinion. Hier, une cinquantaine de personnes se sont regroupées devant le ministère de la Santé à l’appel du syndicat SUD-Santé, qui avait déployé une banderole « Pas de retour à l’anormale ». Et de nouveaux rassemblements sont annoncés, tous les jeudis devant l’hôpital Robert-Debré à Paris, ou pour les « mardis de la colère » de la CGT-Santé, avec en ligne de mire une grande mobilisation nationale le 16 juin.