Le maquillage se fait oeuvre d’art
L’artiste de théâtre toulonnaise a approfondi l’art du maquillage pour incarner des oeuvres ou figures de notre culture, chaque jour de confinement. Cela donne une expo à venir
Auteur, metteur en scène, comédienne, prof de théâtre, fabricante de marionnettes… Pour Stéphanie Slimani, « la création, c’est un tout ».« Je peux écrire un jour, travailler une autre journée au modelage », explique cette artiste toulonnaise, qui est aussi chargée de la communication et de l’action culturelle au conservatoire TPM. Alors, ne nous étonnons pas si pendant le confinement, elle a convoqué l’univers artistique tout entier jusque chez elle. Auteur d’une vingtaine de pièces, comme beaucoup, au début du huis clos, elle s’est imaginé avoir le temps d’en « écrire deux ou trois ». Mais c’était sans compter la sidération. « J’étais incapable d’écrire un mot », constate-t-elle. Elle est d’Egon Schiele.
d’abord devenue crieur public sur Facebook. Emmanuel Macron venait d’invoquer la guerre. « J’étais complètement confinée, dans mon appartement avec fenêtre sur cour. J’avais la chance d’avoir une mallette avec du maquillage de théâtre et j’ai proposé à mon fils de me maquiller, pour s’occuper. Cela a donné les guerriers, jour 1 (publié sur les réseaux sociaux, Ndlr). Je voulais aussi vraiment dédramatiser cela pour mon enfant, car le message était assez violent », explique-t-elle.
Warhol ou La Jeune Fille à la perle
Au bout de quelques fois, lui se lasse vite de cette activité, mais elle se prend au jeu. Et choisit, tous les jours, les personnages les plus variés, de la méchante reine dans
Blanche Neige au Clown de Bernard Buffet, en passant par les oeuvres abstraites de Kandinsky, Klimt ou même le ciel étoilé de Vincent Van Gogh. Des personnages de films, de tableaux, comme La Jeune Fille à la perle de Vermeer, des personnages tout court, comme Andy Warhol, jusqu’à des sculptures, comme les fameuses colonnes de Buren, peintes sur son visage, mesurées au centimètre près ! Une nouvelle activité qu’elle n’avait jamais explorée et qui l’a, pour cela, intéressée. Elle invente ou s’inspire de tutos, joue avec les ombres, pour donner ces traits de vérité à chaque image. Un challenge aussi pour tenir, en cette période particulière. On imagine que cela lui a pris un temps fou, mais non : « L’idée était d’y passer une heure par jour photo comprise, uniquement avec des choses que j’avais dans mon appartement. » La malle de costumes qui trône dans le salon de cette artiste au quotidien est devenue une malle aux trésors. Mais tout pouvait devenir accessoire, comme ce sac Ikea pour La Femme lithographe au chapeau débordant.
Studio photo dans les toilettes
Ses toilettes lui servent de studio, « le seul endroit où j’avais une bonne lumière », justifie-t-elle en riant. Ses photos non retouchées, hormis avec un filtre Instagram, sont des selfies .« Mon iPhone, mes toilettes ! », lance-t-elle pour résumer sa recette. Et cela a marché, avec un public plus fervent de jour en jour.
Le sens de l’observation, du jeu, de la mise en scène et un talent pictural qu’elle se refuse à reconnaître habituellement ont fait de ce rendez-vous quotidien de vraies oeuvres. À tel point qu’une prof d’arts plastiques s’en est servie en Guyane pour faire travailler ses élèves sur l’histoire de l’art et le centre culturel de Porto-Vecchio envisage de l’exposer. Elle est surprise de voir à quel point cela a touché les gens. « La fantaisie adoucit tout et le maquillage, ça n’est que ça ! Un retour en enfance, comme le théâtre ! ». Certains lui ont même emboîté le pas pour la dernière. Le côté positif de cette expérience : « On se rend compte aussi du besoin vital qu’on a de créer. »
Instagram @stephanie_slimani et Facebook.