Var-Matin (La Seyne / Sanary)

De Funès inspire Meija

Le peintre colombien, dont l’aquarelle sur l’attentat de Nice a fait le tour du monde, a réalisé hier une nouvelle fresque devant le musée Louis-de-Funès : un « double portrait » fascinant

- LIONEL PAOLI lpaoli@nicematin.fr

Sur le panneau monumental, l’homme fait glisser son pinceau en jetant, de temps à autre, un coup d’oeil sur son smartphone. L’écran lumineux affiche deux photograph­ies banales de Louis de Funès. Mais sur l’oeuvre émergente, le visage du comédien se dédouble dans un dégradé de bleu. Avec un regard qui paraît sourire depuis l’au-delà. Les passants s’arrêtent, dégainent leur téléphone pour saisir l’instant. Surpris – et séduits – par la magie de la fresque en devenir. John Mejia, lui, semble ailleurs. « J’ai raté le précédent, lâche-t-il. Je veux que celui-ci soit parfait. » Le « précédent », c’est une représenta­tion de l’acteur brossée en juillet 2019 et installée devant le musée. Une déclinaiso­n en noir et blanc qui « n’avait pas d’âme », grimace l’artiste. « Les gens se sont pris en photo devant cette chose tout l’été ! J’avais honte… » Ce qui l’a poussé à remettre son métier sur l’ouvrage. « J’ai effacé ce que j’avais fait et je repeins pardessus. Ainsi, je fais d’une pierre, deux coups : je crée une oeuvre… et je gomme une erreur. »

Sa première passion : le football

Son rire éclate soudain sur le bitume. Un rire enfantin, joyeux, qui éclaire son visage poupon et plisse ses yeux noisette. L’humilité du personnage, sa bonhomie, sa simplicité même, ne doivent pas occulter une évidence qu’il admet du bout des lèvres : John Mejia n’est pas le premier venu. Son parcours relève du roman-photo. Enfant pauvre des favelas de Colombie, il grandit en se découvrant un certain talent au bout des… pieds. Le football est sa première passion. Elle le conduit jusqu’aux portes de la première division nationale. « En 1998, je suis venu en France pour soutenir mon équipe, racontet-il. Je me suis cassé la jambe au moment de repartir ! La blessure était assez grave pour me contraindr­e à rester à Paris en vue d’une seconde opération, qui aurait été plus délicate en Colombie. Alors, pour vivre, je suis devenu peintre en bâtiment, puis plaquiste. » Pendant douze ans, il rejoint la cohorte des « créateurs du dimanche ». Accroche quelques toiles dans des galeries confidenti­elles. Puis profite d’une mission sur la Côte, en 2010, pour quitter la capitale et s’installer à Mougins. « J’ai découvert qu’en France aussi, on pouvait vivre dehors, plaisante-t-il. Mais dans le Sud seulement ! »

« Ma toile a fait le tour de la planète »

Six ans plus tard, au tournant de la quarantain­e, il décide de devenir enfin ce qu’il a toujours rêvé d’être : artiste à plein temps. « Ça voulait dire travailler beaucoup pour m’améliorer, précise-t-il. J’ai laissé tomber mon emploi du jour au lendemain. Heureuseme­nt, j’avais – et j’ai toujours – une famille qui m’a soutenu. » Sa vie bascule la même année, en juillet, grâce à une aquarelle inspirée par l’attentat de Nice. « J’ai entendu

à la radio ce qui venait de se passer. J’étais choqué car, initialeme­nt, j’avais prévu d’aller voir le feu d’artifice avec ma fille aînée. En cinq ou six minutes, j’ai peint la Promenade des Anglais en bleu, blanc et rouge. Je n’avais encore vu aucune image de la tragédie. Puis j’ai photograph­ié ma toile et je l’ai adressée à un journalist­e qui l’a mise sur Twitter. Le lendemain, j’ai su qu’elle avait fait le tour de la planète… »

De Funès ? Connais pas…

Soudain célèbre, John Mejia reçoit des commandes du monde entier. Et notamment des stars du football – ce qui l’enchante.

« J’ai toujours été très bien reçu à Saint-Raphaël, précise-t-il. Quand on m’a demandé de réaliser une fresque pour l’ouverture du musée De-Funès en 2019, j’ai accepté… même si j’ignorais qui était cet acteur. Je n’avais vu que La Soupe aux choux. Aujourd’hui, j’ai appris à le connaître. Et je l’adore ! » C’est peut-être pour cela que le double portrait, qui sera achevé ce matin, exhale autant d’humanité (1). Celle du comédien, évidemment. Mais aussi celle de l’artiste qui lui a redonné vie. 1. La fresque restera exposée devant l’entrée du musée jusqu’à la fin de la saison.

 ?? (Photos Philippe Arnassan) ?? John Mejia est devenu célèbre du jour au lendemain, en juillet , en peignant cette représenta­tion de l’attentat de Nice. Pour Saint-Raphaël, il doit achever ce matin cette fresque devant la « maison » de Louis de Funès. Une autre de ses oeuvres, un portrait, est visible à l’intérieur du musée.
(Photos Philippe Arnassan) John Mejia est devenu célèbre du jour au lendemain, en juillet , en peignant cette représenta­tion de l’attentat de Nice. Pour Saint-Raphaël, il doit achever ce matin cette fresque devant la « maison » de Louis de Funès. Une autre de ses oeuvres, un portrait, est visible à l’intérieur du musée.
 ?? (Photo Philippe Arnassan) ?? Hier, à l’heure de la réouvertur­e du musée Louis-de-Funès, John Mejia a presque achevé l’oeuvre monumental­e qui restera exposée jusqu’à la fin de la saison.
(Photo Philippe Arnassan) Hier, à l’heure de la réouvertur­e du musée Louis-de-Funès, John Mejia a presque achevé l’oeuvre monumental­e qui restera exposée jusqu’à la fin de la saison.
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