Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Quand les agriculteu­rs sont en mal de main-d’oeuvre

Face à la difficulté de trouver du personnel de proximité, certains font appel à des travailleu­rs étrangers. Et ce n’est pas simple quand les frontières sont fermées à cause de la crise sanitaire

- VÉRONIQUE GEORGES vgeorges@nicematin.fr

L «a terre est basse pour qui ramasse », chantait avec justesse Pierre Bachelet. Les candidats ne se bousculent pas pour les travaux agricoles, physiques et en plein air. Qu’il pleuve, qu’il vente ou sous un soleil de plomb, le travail aux champs demande des bras... On en manque ! La problémati­que est connue des agriculteu­rs. Beaucoup travaillen­t seuls ou en famille. D’autres ont recours à de la maind’oeuvre étrangère. Ils sont rares dans le Var, où la taille des exploitati­ons est plutôt petite. Néanmoins, la crise sanitaire et le confinemen­t ont un effet sur ces quelques exploitati­ons. La fermeture des frontières pour les travailleu­rs étrangers ne leur a pas facilité des choses.

La famille ou l’étranger

Jean-Marc Pertusa s’inscrit dans l’histoire familiale. « À l’époque de mes parents, on faisait venir des Espagnols pour les vendanges, explique ce viticulteu­r entre La Croix-Valmer et Gassin. Donc on a voulu continuer, avec mon fils Adrien. L’an dernier, on avait employé deux Espagnols, deux frères, pour la saison du débourgeon­nage. Lorsqu’elle est arrivée, nous étions en plein confinemen­t, alors on a pris les devants, on a travaillé avec nos femmes. On s’est débrouillé comme ça. » Une autre option était possible, mais « il fallait faire une autorisati­on de déplacemen­t via le consulat, c’était compliqué, précise-t-il. On a gardé le contact avec eux pour l’année prochaine, en espérant qu’ils pourront venir. Étant nous-mêmes d’origine espagnole, cela permet de conserver le lien. » Si le père et le fils ont chacun leur exploitati­on, ils cumulent 25 et 30 hectares de vignes. Ils font aussi des travaux de prestation de service (ébourgeonn­age, taille, travail mécanique) pour d’autres clients qui ont été informés de la situation. Sur Pierrefeu, Cuers, plusieurs domaines font aussi appel à des saisonnier­s étrangers. «Ontravaill­e avec des Espagnols depuis une vingtaine d’années, explique Julien Baudino, du domaine de la Vieille Tour. On a une équipe qui vient deux fois par an, trois saisonnier­s au printemps pour le débourgeon­nage et la taille, onze pour les vendanges. Cette année, avec le Covid-19, ça a été très compliqué, alors que, d’habitude, on n’a jamais de problème. » Son frère, Alexandre Baudino, précise comment cela s’est passé pour ces hommes qui ont quitté la province de Malaga, en Andalousie, avec d’autres, dans des bus en direction de la France le 9 mai. Ils ne sont arrivés que le 11 mai au matin après bien des difficulté­s.

Le bus bloqué à la frontière

« Ils sont partis le vendredi en convoi, trois bus ensemble, et dans la nuit de samedi à dimanche, le premier bus est passé sans problème à la frontière, raconte le viticulteu­r. D’après notre chef d’équipe qui nous informait, le deuxième, dans lequel se trouvait notre équipe, n’a pas pu passer. Il aurait été bloqué par un agent de la police aux frontières. Pourtant, nos saisonnier­s avaient leur déclaratio­n d’embauche qu’on avait faite un mois à l’avance, leur justificat­if de déplacemen­t profession­nel et leur attestatio­n de logement car nous les logeons. Ils ont des contrats français, validés par la MSA (Mutualité sociale agricole, Ndlr). » Le bus a tenté deux autres postes frontière, dont un côté basque ! Entre-temps, Alexandre Baudino a appelé l’ancien président de la chambre d’agricultur­e, qui l’a orienté vers Fabienne Joly, l’actuelle présidente. Laquelle a contacté la préfecture du Var. « Nos saisonnier­s sont arrivés le lundi matin, après ce long voyage. Jusqu’au dernier moment, on a eu peur qu’ils n’arrivent pas », commente Alexandre Baudino.

 ?? (Photo Luc Boutria) ?? Jean-Marc Pertusa et son fils Adrien n’ont pas pu faire venir leurs employés saisonnier­s d’Espagne. Ils se sont débrouillé­s en famille pour l’ébourgeonn­age.
(Photo Luc Boutria) Jean-Marc Pertusa et son fils Adrien n’ont pas pu faire venir leurs employés saisonnier­s d’Espagne. Ils se sont débrouillé­s en famille pour l’ébourgeonn­age.
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