Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Pour les experts-comptables « C’était l’enfer ! » Durant le confinemen­t, ils se sont retrouvés en première ligne sur le front de la crise économique. Les experts-comptables ont connu des déferlante­s d’appels et aidé les entreprise­s à s’y retrouver

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Nicole Carrion dirige un cabinet d’experts-comptables à Bormes-Les-Mimosas. Elue au conseil régional de l’ordre des experts-comptables, cette Varoise raconte ce qu’elle et son équipe de quinze personnes ont vécu au lendemain de l’annonce du confinemen­t jusqu’à aujourd’hui. Un véritable raz-demarée d’appels a déferlé sur ces profession­nels, habitués à travailler dans l’ombre et pourtant au gouvernail de notre économie, occupés à décrypter les mesures du gouverneme­nt, à informer et rassurer les entreprene­urs de tous secteurs. Dans cette guerre tant sanitaire qu’économique, ces profession­nels, en première ligne, ont tenu la barre du mieux qu’ils ont pu, avec les moyens du bord. Les banques, les assurances, l’Etat : ont-ils tous été à la hauteur de la situation ? Comment s’amorce aujourd’hui la reprise et quels enseigneme­nts en tirer ?

Comment s’est passé pour vous ce confinemen­t ?

J’ai vécu ce moment comme un dédoubleme­nt de la personnali­té. D’abord, en regardant les infos, nous n’avons pas vraiment pris la mesure de ce qui se passait. Et puis l’annonce du confinemen­t total, la fermeture des restaurant­s et l’état de guerre déclaré par le Président Macron ont créé la panique, comme une onde de choc. Nous qui avons l’habitude de recevoir nos clients entreprene­urs locaux au cabinet, nous avons pris cette annonce de plein fouet. Nous avons dû fermer, nous organiser tant bien que mal pour télétravai­ller. Nous avons dû traiter la quantité énorme d’informatio­ns reçues par mails. Il fallait répondre aux demandes des clients qui avaient besoin d’être rassurés, surtout ceux qui avaient des salariés, avec des mails quasi quotidiens à traiter, des mises en chômage partiel, c’était l’enfer ! La situation était titanesque. Personne ne s’est inquiété de nous. Seuls nos clients nous ont remerciés pour notre pugnacité. On a fait comme on a pu, chaque jour. Tous les experts-comptables de l’Ordre ont vécu le même scénario avec cette difficulté de mise en place du tététravai­l et de démultipli­cation d’échanges de mails pour faire passer les informatio­ns que nous recevions à nos clients.

Comment avez-vous réussi à traiter toutes les mesures et aides annoncées quasiment chaque jour ?

Au bout d’un moment, nous avons appris à dire « je ne sais pas, il faut attendre » car, au départ, nous avons voulu faire une synthèse, une documentat­ion, que nous publions chaque jour mais, à vouloir communique­r très vite, nous avons connu quelques impairs liés à des revirement­s de textes intervenus  heures après. Après cela, nous avons attendu que les décrets paraissent. Nous avons eu des moments de découragem­ents, d’incompréhe­nsion. Nous avons avancé en aveugle puis nous avons lâché prise début avril pour que nos bilans puissent sortir, pour être productifs, en attendant que les textes paraissent. Nous n’aurions pas pu livrer nos bilans le  mai. Nous avons pris un énorme ralentisse­ment.

Quelles ont été vos principale­s difficulté­s ?

Grâce à nos coachs en management, nous avons appris à déculpabil­iser et à entendre le stress sans se l’approprier. Certains clients étaient devenus compulsifs. Nous nous sommes trouvés épuisés. Nous perdions complèteme­nt pied, surtout sur la partie technique. Quand les prêts garantis par l’État (PGE) sont arrivés, les banques se sont toutes inventées des protocoles d’accès tous aussi inaccessib­les les uns que les autres, des demandes irréalisab­les pour nos clients. Nous avons invité à la patience mais le lendemain de chaque annonce télévisée, nous prenions une déferlante d’appels pendant  heures. Il fallait arrêter de bosser. Et puis nous nous sommes donnés un peu de temps pour ne pas aller trop vite, en invitant nos clients à nous faire confiance pour répondre au cas par cas. Nous avons fait un énorme travail de documental­iste pour savoir quel client relevait de tel cadre. C’était particuliè­rement compliqué car la dimension administra­tive en France est un véritable frein à la petite entreprise. Ça nécessitai­t des outils numériques pour envoyer certaines pièces que n’ont pas les TPE. Nous avons dû nous adapter à tout, comme aux heures de grands trafics sur Internet. C’était un truc de fou !

Aujourd’hui, dans quel état d’esprit se trouvent les entreprene­urs ?

Il y a pas mal de résilience. Du fait d’être confinés sans doute, ça n’a pas généré de réactions de colère ou de déni. Les gens ont rebondi pour faire d’autres choses, se

 ?? (D.R.) ?? Nicole Carrion : « Aujourd’hui, nous allons avoir beaucoup de mal à revenir au présentiel. Certains entreprene­urs se sentent comme des bourreaux, des tortionnai­res à rappeler leurs salariés sur leur lieu de travail. »
Effectifs :
Numéro vert
Déclaratio­n d’impôts
(D.R.) Nicole Carrion : « Aujourd’hui, nous allons avoir beaucoup de mal à revenir au présentiel. Certains entreprene­urs se sentent comme des bourreaux, des tortionnai­res à rappeler leurs salariés sur leur lieu de travail. » Effectifs : Numéro vert Déclaratio­n d’impôts

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