« On oublie la violence subie par les policiers »
Eric Ciotti défend les forces de l’ordre qu’il estime injustement salies par « ceux qui veulent déstabiliser la République ». Il propose d’équiper les policiers en intervention d’une caméra
Le 3 octobre dernier, un agent de la Préfecture de police de Paris tuait à l’arme blanche quatre de ses collègues, avant d’être abattu. La commission d’enquête parlementaire sur cette attaque terroriste, présidée par Eric Ciotti, a rendu, hier, ses conclusions. Le député LR niçois est aussi le rapporteur de la commission d’enquête qui débute sur la gestion de la crise sanitaire. Il évoque ces deux dossiers et soutient, par ailleurs, vigoureusement les forces de l’ordre.
Quelles sont les conclusions de la commission d’enquête sur l’attaque terroriste à la préfecture de police de Paris ?
Après six mois d’enquête, nous avons mesuré, avec sidération, les failles énormes qui existaient au sein de la Préfecture de police. Elle n’avait pas mis en place les dispositifs de protection internes contre la radicalisation islamiste. L’auteur de l’attentat, Mickaël Harpon, a émis plusieurs signes de radicalisation, sans que cela soit pris en compte. Il n’aurait jamais dû rester dans ce service, surtout après une altercation quasi physique avec l’un de ses collègues, à qui il avait indiqué que l’attentat contre Charlie Hebdo, c’était « bien fait » .Ilya eu une défaillance majeure, alors que le comportement d’Harpon s’était modifié et que sa pratique religieuse devenait plus rigoriste. L’imam de Gonesse, avec lequel Harpon était en contact, n’aurait par ailleurs jamais dû rester sur le territoire français, alors qu’il avait fait l’objet d’une obligation de le quitter et qu’il était fiché.
A qui la faute, précisément ?
La responsabilité est collective. La direction du renseignement de la Préfecture de police n’a pas su élever ses standards de sécurité au même niveau que d’autres services comme la DGSI [Direction générale de la sécurité intérieure]. Harpon n’aurait jamais dû rester à la Préfecture de police et l’imam de Gonesse jamais dû rester en France : ces principes appliqués, l’attentat n’aurait pas eu lieu.
Quelles solutions proposez-vous ?
D’abord une profonde réforme de la direction du renseignement de la Préfecture de police, avec le rattachement de tout ce qui relève de la lutte contre le terrorisme à la DGSI, dans un souci d’unité du renseignement. Nous avons découvert que plus de personnes inscrites au fichier des signalés pour radicalisation sont membres de la police, de la gendarmerie, de l’administration pénitentiaire, de l’armée ou de services sensibles. Il faut donc que le principe de précaution s’applique : quand il y a un soupçon, il doit profiter à la société et ces personnes doivent être écartées. Nous demandons l’élargissement des enquêtes administratives préalables et la mise en place d’une juridiction spécifique avec des magistrats habilités au secret-défense pour se prononcer sur leur radiation. Et, également, des procédures de détection interne plus larges, grâce à des plateformes de signalement anonymisées. Il faut être moins naïf sur les personnes soupçonnées, que les procédures administratives actuelles ont trop tendance à protéger, au détriment de la collectivité.
Quelles vont être les premières démarches de la commission d’enquête sur la pandémie ?
Son bureau a été installé mardi. Ses travaux débuteront le juin par l’audition du directeur général de la Santé, Jérôme Salomon, puis suivront celles de ses prédécesseurs depuis , de la directrice générale de Santé publique France, du professeur Raoult et des ministres concernés, dont Agnès Buzyn, dès le second tour des municipales passé.
Que vous inspire le débat actuel sur la police et le racisme ?
Notre police est sous le choc d’accusations injustes et partiales, sur la base des événements tragiques qui se sont passés aux Etats-Unis et qui ont suscité une légitime émotion, que je partage. Quelques-uns en profitent pour fragiliser notre police. Je suis scandalisé que certains artistes, qui recherchent une notoriété que leur talent ne leur confère pas, aient accusé dans des termes honteux les policiers de France de massacrer des citoyens ou d’être racistes. J’ai pleine confiance en nos policiers. On oublie la pression qu’ils endurent depuis des années, la violence qu’ils subissent dans certains quartiers, la menace islamiste, les manifs où la confrontation physique est devenue la règle de la part de casseurs ou professionnels de la déstabilisation. Chaque jour, trente policiers et gendarmes sont blessés en mission. Chaque jour, ils subissent en moyenne agressions. En , policiers se sont suicidés. La police porte, pour moi, le visage de ce couple de policiers, Jessica Schneider et Jean-Baptiste Salvaing, assassinés à leur domicile à Magnanville le juin , devant leur enfant de trois ans, par un islamiste qui avait obtenu leur identité. Elle porte aussi le visage de ce CRS de couleur embrassé par des citoyens lors de la manifestation du janvier après l’attentat de Charlie Hebdo. Je ne laisserai pas salir la police par des apprentis sorciers qui veulent déstabiliser la République.
Y a-t-il malgré tout des modes de fonctionnement nouveaux à trouver pour restaurer la confiance ?
Il y a dans la police des propos racistes ou des comportements inappropriés, comme dans toutes les professions. Il faut, bien sûr, que ces comportements soient lourdement sanctionnés. Ceux qui salissent la police n’y ont pas leur place. Mais je refuse l’amalgame. Je déplore la lâcheté d’un gouvernement qui donne des instructions de maintien de l’ordre et n’en assume pas les conséquences. Je propose que chaque policier en intervention soit équipé d’une caméra. Cela sécurisera son action et évitera les contestations de ceux qui accusent les policiers pour protéger leurs forfaits. Ce sera une garantie pour les citoyens et les policiers. Je crois aussi qu’il faut élever le niveau de la formation initiale et développer la formation continue. Un vrai ministre de l’Intérieur aurait dû aller dans ce sens, plutôt que de lâcher ces hommes et ces femmes courageux qui nous protègent.
Le gouvernement n’a pas assez défendu les forces de l’ordre ?
Je suis indigné par l’attitude du gouvernement ! Les policiers doivent être exemplaires et quasiment tous le sont. Mais notre société doit être implacable envers ceux qui, chaque jour, les agressent ou les insultent. S’il y avait la certitude de peines planchers lourdes, les violences baisseraient. Il faut dire les choses : s’il y a des incidents, des drames parfois, c’est parce que certains refusent d’obtempérer et de respecter la loi. C’est cela qui oblige les policiers à employer la force. Ils ont le monopole de la contrainte légitime. Car derrière tout cela, il y a des trafiquants et des individus communautarisés qui veulent imposer leur loi par la terreur. Lâcher les policiers, c’est abandonner notre modèle républicain. A Nice samedi, des slogans disaient « tout le monde déteste la police et Eric Ciotti ». Moi, comme l’immense majorité des Français, j’aime la police !