L’Apesa à l’écoute pour apaiser les entrepreneurs
En lien étroit avec le tribunal de commerce, cette association indépendante a pour mission de venir en aide aux chefs d’entreprise qui, une fois déclarés en faillite, pourraient lâcher prise
C’est en 2013 que JeanMarc Binnié et Jean-Luc Douillard, respectivement greffier et psychologue clinicien au tribunal de commerce de Saintes, fondent l’association Apesa France. Elle est destinée à venir en aide aux chefs d’entreprise en difficultés. À l’époque, Jean-Marc Binnié côtoyait un ami entrepreneur qui, après avoir été déclaré en faillite, avait mis fin à ses jours… Après ce drame, les deux hommes ont donc décidé de créer ce dispositif d’Aide psychologique aux entrepreneurs en souffrance aiguë (Apesa) qui, au fil des ans, a étendu son maillage. Aujourd’hui, cette association indépendante est présente dans 74 tribunaux de commerce français, parmi lesquels celui de Fréjus.
Des sentinelles pour détecter les souffrances
En effet, au mois de novembre dernier, une antenne locale a vu le jour sous la présidence de Jean-Claude Tosello, épaulé par Laurent Magdelein, docteur en psychologie, et Gisèle Thollet-Paysant. Son rayon d’action s’étend sur tout le territoire de l’agglomération est-varoise mais aussi sur l’ensemble du golfe de Saint-Tropez. « La mission première de l’Apesa est d’apporter un soutien psychologique aux entrepreneurs, lorsque la ruine de leur entreprise provoque chez eux angoisse et idées noires. Dans ce genre de situation, les chefs d’entreprise ont tendance à s’isoler, jusqu’à se couper de leur famille, avant de partir en dépression. Pour eux, tout s’effondre », indique JeanClaude Tosello avant d’être relayé dans ses propos par le docteur Magdelein. « L’efficacité de ce dispositif repose notamment sur des personnes que l’on a baptisées les sentinelles. Qu’elles soient mandataires, avocats, administrateurs judiciaires ou autres, en général ce sont des personnes gravitant autour des procédures collectives liées au monde de l’entreprise. Notre réseau peut compter sur quelque 2 000 sentinelles en France qui, avant d’assumer cette mission, suivent une formation adaptée au préalable. » Ainsi, le rôle de ces sentinelles consiste à détecter les souffrances, parfois contenues, de ces entrepreneurs afin de les orienter, avec leur accord, vers des psychologues spécialement sensibilisés. « Ces mêmes sentinelles sont ensuite en mesure de déclencher une alerte pour signaler qu’un entrepreneur fragilisé a besoin d’aide, relance Laurent Magdelein. L’occasion de préciser que cette démarche reste strictement confidentielle comme l’exige le secret médical. La fiche alerte est ensuite envoyée au centre national de l’Apesa. L’entrepreneur concerné est appelé dans les deux heures suivantes pour un premier entretien téléphonique ».
Dix fichiers alerte déjà enregistrés à Fréjus
Depuis son implantation à Fréjus, fin 2019, l’antenne locale a déjà enregistré 10 fichiers alerte. Soit dix chefs d’entreprises suivis par l’un des huit psychologues qui ont accepté de rejoindre le dispositif. « Selon les cas psychologiques, nous sommes en mesure de proposer différentes prises en charge, comme par exemple un processus de cinq séances, en face-à-face, avec un psychologue. Certains ont besoin d’une ou deux séances pour se remettre d’aplomb. Pour d’autres, c’est plus long… » De son côté Jean-Claude Tosello qui, a d’ailleurs fréquenté de longues années les couloirs du tribunal de commerce de Fréjus, poursuit en connaissance de cause : « Le tribunal ne fait qu’appliquer les lois. Cette association qui, rappelons-le, est complètement indépendante du tribunal, permet d’humaniser la justice et peut-être de faire en sorte de mieux accepter ses décisions. Parfois, les procédures administratives sont longues et éprouvantes. Cela peut aider à faire le deuil de son entreprise et passer à autre chose… » Les acteurs économiques du secteur ont d’ailleurs saisi l’importance et le rôle essentiel que peut jouer cette association. Elle peut ainsi compter sur des partenaires tels ; la Cavem, la CCI du Var, la Fédération varoise du BTP pour soutenir financièrement ses actions. « D’ailleurs, nous sommes toujours dans l’attente d’une réponse de l’UPV ainsi que de la Comcom de Saint-Tropez, souligne Jean-Claude Tosello. Le moindre euro versé sert uniquement au fonctionnement de l’association. Chez nous, il n’y a pas, de frais de repas ou autres. On pousse les gens à créer des entreprises et lorsque ça tourne mal, l’Adesa peut éviter le pire… » Et le docteur Magdelein de conclure : «EnFrance,ilya24suicides par jour. Certes, ils ne sont pas tous liés au monde de l’entreprise. En 2015, 9 000 suicides ont été constatés et cela touche les hommes à 75 %. Alors mieux vaut prévenir que guérir… »