Var-Matin (La Seyne / Sanary)

L’Apesa à l’écoute pour apaiser les entreprene­urs

En lien étroit avec le tribunal de commerce, cette associatio­n indépendan­te a pour mission de venir en aide aux chefs d’entreprise qui, une fois déclarés en faillite, pourraient lâcher prise

- PHILIPPE MICHON pmichon@nicematin.fr

C’est en 2013 que JeanMarc Binnié et Jean-Luc Douillard, respective­ment greffier et psychologu­e clinicien au tribunal de commerce de Saintes, fondent l’associatio­n Apesa France. Elle est destinée à venir en aide aux chefs d’entreprise en difficulté­s. À l’époque, Jean-Marc Binnié côtoyait un ami entreprene­ur qui, après avoir été déclaré en faillite, avait mis fin à ses jours… Après ce drame, les deux hommes ont donc décidé de créer ce dispositif d’Aide psychologi­que aux entreprene­urs en souffrance aiguë (Apesa) qui, au fil des ans, a étendu son maillage. Aujourd’hui, cette associatio­n indépendan­te est présente dans 74 tribunaux de commerce français, parmi lesquels celui de Fréjus.

Des sentinelle­s pour détecter les souffrance­s

En effet, au mois de novembre dernier, une antenne locale a vu le jour sous la présidence de Jean-Claude Tosello, épaulé par Laurent Magdelein, docteur en psychologi­e, et Gisèle Thollet-Paysant. Son rayon d’action s’étend sur tout le territoire de l’agglomérat­ion est-varoise mais aussi sur l’ensemble du golfe de Saint-Tropez. « La mission première de l’Apesa est d’apporter un soutien psychologi­que aux entreprene­urs, lorsque la ruine de leur entreprise provoque chez eux angoisse et idées noires. Dans ce genre de situation, les chefs d’entreprise ont tendance à s’isoler, jusqu’à se couper de leur famille, avant de partir en dépression. Pour eux, tout s’effondre », indique JeanClaude Tosello avant d’être relayé dans ses propos par le docteur Magdelein. « L’efficacité de ce dispositif repose notamment sur des personnes que l’on a baptisées les sentinelle­s. Qu’elles soient mandataire­s, avocats, administra­teurs judiciaire­s ou autres, en général ce sont des personnes gravitant autour des procédures collective­s liées au monde de l’entreprise. Notre réseau peut compter sur quelque 2 000 sentinelle­s en France qui, avant d’assumer cette mission, suivent une formation adaptée au préalable. » Ainsi, le rôle de ces sentinelle­s consiste à détecter les souffrance­s, parfois contenues, de ces entreprene­urs afin de les orienter, avec leur accord, vers des psychologu­es spécialeme­nt sensibilis­és. « Ces mêmes sentinelle­s sont ensuite en mesure de déclencher une alerte pour signaler qu’un entreprene­ur fragilisé a besoin d’aide, relance Laurent Magdelein. L’occasion de préciser que cette démarche reste strictemen­t confidenti­elle comme l’exige le secret médical. La fiche alerte est ensuite envoyée au centre national de l’Apesa. L’entreprene­ur concerné est appelé dans les deux heures suivantes pour un premier entretien téléphoniq­ue ».

Dix fichiers alerte déjà enregistré­s à Fréjus

Depuis son implantati­on à Fréjus, fin 2019, l’antenne locale a déjà enregistré 10 fichiers alerte. Soit dix chefs d’entreprise­s suivis par l’un des huit psychologu­es qui ont accepté de rejoindre le dispositif. « Selon les cas psychologi­ques, nous sommes en mesure de proposer différente­s prises en charge, comme par exemple un processus de cinq séances, en face-à-face, avec un psychologu­e. Certains ont besoin d’une ou deux séances pour se remettre d’aplomb. Pour d’autres, c’est plus long… » De son côté Jean-Claude Tosello qui, a d’ailleurs fréquenté de longues années les couloirs du tribunal de commerce de Fréjus, poursuit en connaissan­ce de cause : « Le tribunal ne fait qu’appliquer les lois. Cette associatio­n qui, rappelons-le, est complèteme­nt indépendan­te du tribunal, permet d’humaniser la justice et peut-être de faire en sorte de mieux accepter ses décisions. Parfois, les procédures administra­tives sont longues et éprouvante­s. Cela peut aider à faire le deuil de son entreprise et passer à autre chose… » Les acteurs économique­s du secteur ont d’ailleurs saisi l’importance et le rôle essentiel que peut jouer cette associatio­n. Elle peut ainsi compter sur des partenaire­s tels ; la Cavem, la CCI du Var, la Fédération varoise du BTP pour soutenir financière­ment ses actions. « D’ailleurs, nous sommes toujours dans l’attente d’une réponse de l’UPV ainsi que de la Comcom de Saint-Tropez, souligne Jean-Claude Tosello. Le moindre euro versé sert uniquement au fonctionne­ment de l’associatio­n. Chez nous, il n’y a pas, de frais de repas ou autres. On pousse les gens à créer des entreprise­s et lorsque ça tourne mal, l’Adesa peut éviter le pire… » Et le docteur Magdelein de conclure : «EnFrance,ilya24suic­ides par jour. Certes, ils ne sont pas tous liés au monde de l’entreprise. En 2015, 9 000 suicides ont été constatés et cela touche les hommes à 75 %. Alors mieux vaut prévenir que guérir… »

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(Photo Philippe Arnassan) Laurent Magdelein (à gauche) et Jean-Claude Tosello ont mis leurs compétence­s en commun pour apporter un soutien psychologi­que aux chefs d’entreprise en proie à des difficulté­s économique­s.

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