L’attentat du 14-Juillet devant les assises spéciales ?
Le parquet national antiterroriste a annoncé, hier, qu’il demandait le renvoi de neuf personnes devant les assises spéciales de Paris. Décision finale aux juges d’instruction antiterroristes
Le parquet national antiterroriste a annoncé, hier, qu’il demandait le renvoi devant la cour d’assises spéciale de Paris de neuf personnes, dans l’enquête sur l’attentat de Nice. C’est maintenant aux juges d’instruction antiterroriste de trancher. Ils pourraient prendre leur décision dans le courant du mois d’août. Une étape de plus franchie, après quatre ans d’instruction. Une étape très attendue. Des proches de victimes et leurs avocats craignaient que le dossier soit « seulement » renvoyé devant un tribunal correctionnel : certaines charges de « complicité » ou de « terrorisme » pouvaient avoir du mal à tenir judiciairement.
Droit commun pour quatre suspects
Quoi qu’il en soit le procès - qui pourrait intervenir courant 2021 - se fera sans l’auteur des faits. Mohamed Lahouaiej Bouhlel ne sera pas là pour répondre de ses actes, à l’instar de Mohamed Merah, le terroriste de Toulouse, en 2013... Le Niçois d’origine tunisienne, âgé de 31 ans, a été tué, au volant de son camion, par les forces de l’ordre, à l’issue de sa funeste course sur la promenade des Anglais le 14 juillet 2016. L’attentat, cette plaie encore béante, a fait, en quatre petites mais interminables minutes, 86 morts, plus de 400 blessés et des milliers de personnes traumatisées. Dans ses réquisitions, dévoilées hier, le parquet a requis pour trois des suspects, Mohamed G., Hamdi Z. et Chokri C., l’abandon des poursuites pour « complicité d’assassinats », mais demande que soit reconnue l’« association de malfaiteurs terroriste criminelle ». Les trois individus pourraient, soit avoir joué un rôle dans la location du camion, soit avoir été au courant de la location, soit avoir eu connaissance de la fourniture d’une arme. Même réquisition pour Ramzi A. avec, en plus, « acquisition, cession, détention d’une arme de catégorie B en relation avec une entreprise terroriste ». Ramzi A. est soupçonné d’avoir fourni son arme à Mohamed Lahouaiej Bouhlel. Le parquet demande également le renvoi devant la cour d’assises spéciale des cinq autres suspects, Artan H., Enkeledja Z., Maksim C., Brahim T. et Endri E. pour la fourniture de l’arme au tueur de
Nice. Quatre d’entre eux avaient été mis en examen pour des infractions terroristes, mais le parquet « considère qu’ [ils] n’avaient pas connaissance de la destination de l’arme qu’il leur est reproché d’avoir fournie ». Le parquet demande, donc, à ce que les faits soient disqualifiés en « droit commun ».
Avaient-ils connaissance du projet d’attaque ?
Il y avait un dixième suspect dans ce dossier. Aleksander Hasalla s’est suicidé en prison. Cet Albanais de 38 ans a été retrouvé pendu avec un lacet dans sa cellule de Fleury-Mérogis en juin 2018. Il était soupçonné d’avoir fourni un pistolet automatique et une kalachnikov à un couple d’Albanais, qui les avaient eux-mêmes vendus à un proche de Mohamed Lahouaiej Bouhlel. Le parquet demande, enfin, le maintien du mandat d’arrêt à l’encontre d’Endri E. Le maintien sous contrôle judiciaire de Mohamed G, Hamdi Z., Enkeledja Z. et Brahim T. Le maintien en détention provisoire pour les autres. Tout l’enjeu du futur procès sera de déterminer si les mis en cause avaient ou non connaissance du projet d’attentat de Lahouaiej Bouhlel. Ils le nient. Tous. L’enquête n’a pas pu apporter de preuves formelles. « Je suis très mitigé », souffle Me Gérard Chemla, l’avocat de plusieurs victimes de l’attentat. « Bien sûr, c’est une bonne chose qu’il soit requis le renvoi devant des assises, mais il est requis aussi un non-lieu pour les complicités d’assassinat, ils s’en tiennent à l’association de malfaiteurs terroriste criminelle. Et cela ne peut pas nous satisfaire ». Il s’explique : « Pour l’association de malfaiteurs, on estime que c’est non identifiable, c’est-à-dire que cela n’a pas pu provoquer de victimes, contrairement à la complicité d’assassinat ». Sa crainte ? Que les victimes ne puissent pas être parties civiles. Il bombarde : « On risque un procès sans victime et ce serait un vrai drame. Il y a quelque parties civiles dans le dossier et ce serait effroyable qu’elles ne puissent pas intervenir ». Gérard Chemla révèle : «Le magistrat antiterroriste Claude Choquet, lorsqu’il avait reçu les proches des victimes à Nice, avait pris un engagement auprès d’eux : il travaillait pour qu’il y ait un procès pour complicité ».