Var-Matin (La Seyne / Sanary)

C’est le juge administra­tif qui « régule l’action publique »

Martine Doumergue est la cinquième présidente du tribunal administra­tif de Toulon, jeune juridictio­n dont l’activité ne cesse de croître. Tout citoyen peut la saisir, même sans avocat

- PROPOS RECUEILLIS PAR SONIA BONNIN sbonnin@varmatin.com

Elle est la juridictio­n des contrastes. Celle qui peut retoquer une trop grande restrictio­n des libertés publiques, être saisie de la hauteur des ralentisse­urs sur la chaussée, ou encore récuser la légalité d’un parc éolien en constructi­on. Voilà quelques-uns des dossiers qui ont jalonné l’activité du tribunal administra­tif de Toulon ces dernières semaines, et dont le point commun est de « réguler la puissance publique et son action », comme le dit sa présidente. Entrée en fonction en février 2020, Martine Doumergue a dirigé une juridictio­n sous confinemen­t, du 17 mars au 10 mai. Elle est le cinquième président du tribunal et la deuxième femme à endosser ce poste (1). « Native du grand sudouest », Martine Doumergue se dit passionnée par « le droit appliqué aux situations concrètes ». Elle était précédemme­nt présidente de chambre à la cour administra­tive d’appel de Versailles. Ouverte en septembre 2008, la juridictio­n toulonnais­e est compétente sur l’ensemble du Var. Tour d’horizon du champ méconnu, et parfois dru, de la justice administra­tive.

Vous avez pris votre poste peu avant le confinemen­t. Comment le tribunal a-t-il fonctionné ?

La période du confinemen­t a été très spéciale, bien sûr. Nous avons mis en oeuvre un plan de continuati­on d’activité afin d’assurer les missions essentiell­es. Même si le tribunal était fermé, tous les dossiers arrivant à la juridictio­n ont été enregistré­s. Les agents du greffe ont pensé que si les dossiers s’amassaient, cela serait dramatique. Nous n’avions, à ce moment-là, aucune idée de la durée du confinemen­t. Les magistrats étaient en télétravai­l. Les affaires ont continué d’être préparées.

La crise sanitaire a mis la justice administra­tive au coeur de l’actualité. Pourquoi ?

Si un citoyen doute de la légalité d’une décision prise par une administra­tion et s’il estime qu’elle lui fait grief, il peut saisir le tribunal administra­tif. Mais attention, le tribunal ne peut pas s’autosaisir. Ce doit être par un citoyen, même sans avocat, ou bien par une administra­tion, comme la préfecture par exemple.

Ce fut le cas à l’encontre de décisions prises par certains maires varois qui voulaient durcir le confinemen­t.

Il y a eu la contestati­on du périmètre de sortie [limité à  mètres à Sanary,  mètres à Saint-Mandrier, au lieu d’un kilomètre partout ailleurs]. Ou encore de l’interdicti­on d’un achat unique [à Sanary] Le juge administra­tif est le régulateur. Il annule, condamne, répare des préjudices subis. Tous les jours, chacun a à faire avec la (2).

puissance publique, cela concerne tout le monde. Mais ici, en réalité, peu de citoyens ont contesté les mesures de confinemen­t.

En ce sens, la justice administra­tive est-elle un contre-pouvoir ?

Je ne dirais pas cela. Elle est le régulateur de l’action publique. En urgence, elle permet de suspendre l’exécution d’une décision administra­tive. La justice administra­tive peut frapper vite et fort. Avant de régler le litige sur le fond. Et il arrive d’ailleurs que le juge, au fond, tranche dans un sens différent.

Qu’en est-il du contentieu­x qui concerne le premier tour des élections municipale­s ?

Nous en sommes à  contestati­ons électorale­s, c’est un niveau plutôt bas. Ce n’est pas une explosion. Il en reste, au final, peut-être une quinzaine qui passera à l’audience. Et le délai pour juger vient d’être ramené au  septembre. Donc, nous organisero­ns ces audiences dès la rentrée.

Quelle est l’ampleur du retard provoqué par la crise du coronaviru­s ?

Une douzaine d’audiences prévues n’ont pas pu se tenir. Puis, il y a toutes les affaires qui n’étaient pas encore enrôlées. Sur l’ensemble des quatre chambres, j’estime qu’environ  dossiers ont été reportés. Le tribunal administra­tif de Toulon compte vingt magistrats et vingt-et-un agents de greffe. Nous allons lisser l’enrôlement [résorber le retard] au fil des mois.

Quel est le poids du contentieu­x lié à l’amiante, très important dansleVar?

La forte hausse des arrivées de nouveaux dossiers en  s’explique en particulie­r par une augmentati­on des dossiers dits « amiante ». Nous avons   demandes indemnitai­res en attente devant le tribunal. Un pourvoi contre un arrêt de la cour administra­tive d’appel de Marseille vient d’être admis le  avril . Les dossiers Normed, des anciens chantiers navals de La Seyne, sont directemen­t concernés. Et demeurent dans l’attente. 1. Le premier président du tribunal administra­tif de Toulon était une présidente, Dominique Bonmati. 2. Les arrêtés municipaux concernés ont été soit retirés par la mairie, soit annulés par le juge.

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(Photo Frank Muller) « Nous ne sommes pas là pour dire ce qui est juste ou pas, mais pour savoir si cela respecte le texte [de loi]. Une décision administra­tive peut être vécue comme injuste, tout en étant légale. »

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