L’abeille veut faire mouche
La boxeuse hyéroise Wassila Lkhadiri redouble d’efforts pour décrocher son premier billet olympique. Elle devrait avoir sa chance lors du prochain tournoi mondial à Paris. Boxe, boxe...
Boxe, boxe, chantait le désarticulé Nougaro. Il n’est qu’une manière. Boxe, boxe. Il faut être vainqueur. Avec un E majuscule. A la queue du mot. Car le féminin, vieux Kid Marin, s’est invité sur le ring... Elle boxe, boxe. Wassila Lkhadiri. Des deux mains. Depuis ses 15 ans. Bombarde le plexus. Maxillaires gonflés. Poings serrés. Ecoute le décompte. Des juges sonnés... Pas un revers au menton la première année sous les boules de cuir. Un parcours parfait. Stupéfiant. Propulsant l’oisillon dans l’univers amateur. Où se sèchent souvent les pleurs, après la récolte des châtaignes... Boxe, boxe. Martelait le Toulousain. La Hyéroise ne s’est jamais enlevée de l’arène. Offrant à la foule son corps. Taillé dans le fer. Ne lâchant rien aux chiennes sur sa piste... Pas même un bleu. Hantise de sa maman. Noyée dans l’anonymat des salles obscures. Mais dont elle perçoit, à chaque esquive, l’esquisse d’un cri... Boxe, boxe. Petite Wassila aux 51 kg de plumes d’oie. Jusqu’à l’anneau passé au doigt. Avec un plus grand que toi. Locataire, aussi, de la cage aux cordes...
Pas une simple maison de papier
Une union sacrée qui ne l’a pas fait reculer. Sur le pied de guerre, elle s’accroche bravement à son rêve de déesse de pierre. A ses Jeux où, au crépuscule des ambitions, il n’en reste qu’une. Bras levés. Comme vénérée au temple des émotions ! Tokyo ne peut ainsi être à ses yeux une simple maison de papier. Plutôt l’aboutissement d’une longue traversée. Où rien n’est épargné. Ni le sang. Ni la sueur. Ni les perles de rosée, nées sous les paupières gonflées... « Je ne pense qu’à ça, dira le pinson en stage à Dinar avec l’équipe de France. J’ai déjà connu les Jeux Européens, c’est un peu la même ambiance. En tout cas, c’est mon objectif majeur... » L’ancienne protégée de Ben
Belhachemi a bien poussé depuis son crochet par le Boxing Club Hyérois. Tremplin jusqu’à l’Ile-de-France où elle a posé son sac. Pour prendre du volume. De la hauteur. Et mieux toiser ces couronnes qui se refusent encore à elle... « Mais je ne lâche jamais. A l’entraînement comme en compétition. Je cherche sans cesse à m’améliorer. A gommer mes défauts... » Boxe. Elle boxe. Sans relâche. Juste un léger écart durant le confinement. Gourmand. Sucré. Pour se fâcher avec la balance. « Un petit peu. Rien de bien grave. » Des grammes déjà dévorés sur l’autel de la souffrance. Où le sacrifice de soi prend tout son sens. A l’heure de faire face...
Encore une chance à Paris
Des moments uniques. A la fois intimes et partagés avec tant de regards anonymes. Avides de pluie de coups. Qui font souvent mouche chez l’abeille. Même si ses ailes ont été coupées lors du tournoi qualificatif aux Jeux. D’une brise d’air. La renvoyant ainsi à la ruche dans la simple peau de l’ouvrière... « Il me reste le tournoi mondial à Paris. La date n’est pas fixée à cause du Covid. Mais si je veux aller au Japon... » Ce sera tapis ou sur le carreau. 4, 5, 6, 7. Le compteur tourne. Wassila soulève des montagnes. Le mont Fuji en ligne de mire. « On m’en parle tellement autour de moi... » Qu’elle met les bouchées doubles. Tournée vers l’avenir. Abandonnant le passé à de vagues souvenirs. « Les désillusions, je n’y pense pas... » A 25 ans, la boxeuse a tout d’un soldat fier de son drapeau à défendre. Sans peur et sans reproche... « Avant le gong, je me dis seulement que mon adversaire a deux bras et deux jambes. Je suis sereine. » Jusqu’à la délivrance des lionnes. La valse rock’n’roll où swinguent les lames. A la recherche du tendre jardin. La pièce de peau moelleuse à meurtrir. Brutalement. D’un jab annonciateur d’orage. Par bonheur, Wassila n’a pas, à ce jour, pris la foudre. Même mis un genou à terre. « Je ne suis jamais tombée sur une fille qui m’a fait mal. » Elle, en revanche, cogne dur.
A la scène. Pas à la ville. « Me battre, comme ça, dans la rue, ah non ça ne me ressemble pas. Et puis j’ai bon caractère. Un peu têtue, mais bon caractère... » Il n’empêche que la combattante n’échappe pas aux clichés. Du genre : « Toi, faut pas te faire chier »ou« àla maison, c’est ton mari qui fait la vaisselle ». Faux et faux. D’autant que son Don Juan, aussi, boxe. Boxe. Sur ce terrain envahissant. Ne laissant guère de place à la java... « C’est ainsi. C’est mon métier, tempère la pétillante brunette. Je l’ai choisi. C’est ma vie. » Pas par facilité. Mais peutêtre pour se prouver sa valeur. Son courage. Chaque jour remis sur l’ouvrage. Car ici, même à bout de souffle, impossible de tricher. Il faut se relever. Boxer. Boxer...
« Je me sens invincible »
Pour, à la clé de cet amour violent, être sacrée championne de France. Glaner des médailles européennes. Avant de nouvelles épopées sur le toit du monde. Qui sait ? Ses mains de femme n’ont pas choisi le poing final. « Devenir pro, j’y pense parfois. Mais à chaque jour suffit sa peine. On verra... » Rien ne la presse. La mutation n’est pas d’actualité. L’Olympe, déjà, à l’oreille lui murmure son invitation. De Tokyo à Paris. Pour seul passeport la rage de vaincre. Alors boxe. Boxe le papillon. Qui croit en son rêve bleu blanc rouge après deux notes de blues. Dissipées par un proche entourage drapé de majesté. « Avec ma famille, mes entraîneurs à mes côtés, je me sens invincible ! » Ah, tu verras, tu verras Wassila, ce noble sentiment, forcément, te guidera à l’Eldorado avant de tourner la page... Cette page à laquelle il manque, en relief, l’or olympique. C’est beau ça quand il brille autour du cou. Boxe, boxe. Et fais leur voir, à tous, qui des deux est championne !