Immobilier : piégés par un droit de préemption
Simone pensait vendre sa maison en août 2019. Dix mois plus tard, il n’en est rien. Depuis, un droit de préemption et des buses d’évacuation des eaux pluviales ont bloqué la transaction
Ce n’est pas une patate chaude que se renvoient les acteurs de la vente d’une maison à Roquebrune-sur-Argens, mais plutôt des buses d’évacuation des eaux pluviales. Au milieu de ce capharnaüm, la famille Janin-Blay. Une mère placée en maison de retraite et un fils qui trouve le temps long. Surtout financièrement, car la vente de 270 000 euros devait financer le séjour en Ehpad de la nonagénaire. En cause ? Un droit de préemption (voir ci-dessous) exercé par la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM). Et ce en dépit d’un compromis de vente signé par la famille avec un particulier, le 23 mai 2019, alors que la signature authentique de l’acte de vente était prévue pour le 13 août – les compteurs avaient même été relevés. Mais comme l’autorise la loi, les collectivités peuvent préempter un terrain, notamment pour y effecteur des opérations d’intérêt général. Un acteur du dossier assure que pour les communes carencées en logement social, la préfecture peut recevoir une délégation via une convention signée avec la mairie pour effectuer ces démarches. C’est ce qu’il s’est passé.
Droit de préemption valide
À la suite de l’envoi d’une déclaration d’intention d’aliéner (DIA) par l’étude notariale mandatée pour la transaction, la DDTM et l’Établissement public foncier Paca (EPF) ont décidé, le 16 septembre 2019, comme ils y sont autorisés, d’exercer leur droit de préemption. Après avoir notifié aux principaux concernés du blocage de la vente en amont du 13 août. Même si le timing est « ric-rac au regard des deux mois dont ils disposaient, selon une autre source, la demande s’est faite en bonne et due forme ». S’ensuivent alors l’annulation de la transaction initiale et une visite du terrain par des membres de la DDTM, de l’EPF et du service foncier de la mairie de Roquebrune-surArgens en compagnie de l’agence immobilière, le 28 août. L’occasion pour les potentiels acquéreurs d’observer la présence de canalisations d’évacuation des eaux semi-enterrées dans le jardin. « Mon grand-père a autorisé cette installation il y a longtemps, argue Philippe Blay, fils de la propriétaire. Elles n’apparaissent pas sur les documents. Vous savez à l’époque… » Néanmoins, c’est seulement trois jours avant la vente au profit de la DDTM et de l’EPF (prévue fin novembre) que les nouveaux acheteurs ont mis en suspens la transaction après cette découverte. « Rien n’est écrit sur les documents, donc si elles posent problème a posteriori c’est qu’elles ont été vues dès la visite en août », note un protagoniste.
Dix mois de doutes
De quoi inquiéter le membre de la famille : « Pourquoi attendre le dernier moment pour nous le dire ? Vont-ils faire marche arrière ? Pourquoi c’est si long ? La maison que je devais vendre en août 2019 est inhabitée depuis avril, et donc en friche. En plus, je paie encore les charges. Et pour le prix, que se passera-t-il si je dois la remettre sur le marché », peste-t-il. De son côté, la préfecture assure que « les fonds sont consignés par l’EPF. Qu’ils seront débloqués dès que la municipalité aura pris l’engagement de réaliser ce dévoiement de réseau des canalisations afin de permettre le projet tel qu’envisagé. » Reste à résoudre la dernière inconnue de cet imbroglio administratif. Notamment concernant l’entité qui aura la charge de ces travaux (voir encadré). Des relevés topographiques ont été réalisés avant le confinement. Un autre argument avancé par les acteurs pour expliquer cette lenteur. « Ils s’en foutent ! Ce ne sont pas eux qui puisent dans l’épargne pour payer l’Ehpad. À force, on arrive au bout », s’agace le fils, piégé par des procédures administratives. Avec, en prime, le sentiment d’être pris pour une buse…