Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Immobilier : piégés par un droit de préemption

Simone pensait vendre sa maison en août 2019. Dix mois plus tard, il n’en est rien. Depuis, un droit de préemption et des buses d’évacuation des eaux pluviales ont bloqué la transactio­n

- ALEXANDRE PLUMEY aplumey@nicematin.fr

Ce n’est pas une patate chaude que se renvoient les acteurs de la vente d’une maison à Roquebrune-sur-Argens, mais plutôt des buses d’évacuation des eaux pluviales. Au milieu de ce capharnaüm, la famille Janin-Blay. Une mère placée en maison de retraite et un fils qui trouve le temps long. Surtout financière­ment, car la vente de 270 000 euros devait financer le séjour en Ehpad de la nonagénair­e. En cause ? Un droit de préemption (voir ci-dessous) exercé par la Direction départemen­tale des territoire­s et de la mer (DDTM). Et ce en dépit d’un compromis de vente signé par la famille avec un particulie­r, le 23 mai 2019, alors que la signature authentiqu­e de l’acte de vente était prévue pour le 13 août – les compteurs avaient même été relevés. Mais comme l’autorise la loi, les collectivi­tés peuvent préempter un terrain, notamment pour y effecteur des opérations d’intérêt général. Un acteur du dossier assure que pour les communes carencées en logement social, la préfecture peut recevoir une délégation via une convention signée avec la mairie pour effectuer ces démarches. C’est ce qu’il s’est passé.

Droit de préemption valide

À la suite de l’envoi d’une déclaratio­n d’intention d’aliéner (DIA) par l’étude notariale mandatée pour la transactio­n, la DDTM et l’Établissem­ent public foncier Paca (EPF) ont décidé, le 16 septembre 2019, comme ils y sont autorisés, d’exercer leur droit de préemption. Après avoir notifié aux principaux concernés du blocage de la vente en amont du 13 août. Même si le timing est « ric-rac au regard des deux mois dont ils disposaien­t, selon une autre source, la demande s’est faite en bonne et due forme ». S’ensuivent alors l’annulation de la transactio­n initiale et une visite du terrain par des membres de la DDTM, de l’EPF et du service foncier de la mairie de Roquebrune-surArgens en compagnie de l’agence immobilièr­e, le 28 août. L’occasion pour les potentiels acquéreurs d’observer la présence de canalisati­ons d’évacuation des eaux semi-enterrées dans le jardin. « Mon grand-père a autorisé cette installati­on il y a longtemps, argue Philippe Blay, fils de la propriétai­re. Elles n’apparaisse­nt pas sur les documents. Vous savez à l’époque… » Néanmoins, c’est seulement trois jours avant la vente au profit de la DDTM et de l’EPF (prévue fin novembre) que les nouveaux acheteurs ont mis en suspens la transactio­n après cette découverte. « Rien n’est écrit sur les documents, donc si elles posent problème a posteriori c’est qu’elles ont été vues dès la visite en août », note un protagonis­te.

Dix mois de doutes

De quoi inquiéter le membre de la famille : « Pourquoi attendre le dernier moment pour nous le dire ? Vont-ils faire marche arrière ? Pourquoi c’est si long ? La maison que je devais vendre en août 2019 est inhabitée depuis avril, et donc en friche. En plus, je paie encore les charges. Et pour le prix, que se passera-t-il si je dois la remettre sur le marché », peste-t-il. De son côté, la préfecture assure que « les fonds sont consignés par l’EPF. Qu’ils seront débloqués dès que la municipali­té aura pris l’engagement de réaliser ce dévoiement de réseau des canalisati­ons afin de permettre le projet tel qu’envisagé. » Reste à résoudre la dernière inconnue de cet imbroglio administra­tif. Notamment concernant l’entité qui aura la charge de ces travaux (voir encadré). Des relevés topographi­ques ont été réalisés avant le confinemen­t. Un autre argument avancé par les acteurs pour expliquer cette lenteur. « Ils s’en foutent ! Ce ne sont pas eux qui puisent dans l’épargne pour payer l’Ehpad. À force, on arrive au bout », s’agace le fils, piégé par des procédures administra­tives. Avec, en prime, le sentiment d’être pris pour une buse…

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(Photos Philippe Arnassan) Alors que la vente avec un acheteur particulie­r était actée en mai , la famille Blay n’a toujours pas pu officialis­er la cession après un droit de préemption activé par l’État.

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