Grand prix
L’auteur-compositeur-interprète est de retour avec un album minutieux et foisonnant
Entraînant et mélancolique. Électrique et planant. Brut et élégant. Grand prix, la dernière livraison de Benjamin Biolay est à l’image de son premier extrait, le très efficace Comment est ta peine ?, qui tourne en boucle sur les radios depuis la fin du printemps : en roue libre. Avec ce neuvième disque, l’ancien premier prix de trombone du conservatoire de Lyon se lâche façon Rebel Without a Cause et ça lui va plutôt bien. En résumé, puisque tout est foutu et qu’on finira tous, au mieux par se quitter, au pire par être oublié quand notre heure sera venue, autant chanter pour de bon et danser un peu. Allez, vendu.
Sans complexe
Au vestiaire la gomina et le look de dandy, welcome la combinaison de pilote et la mèche éclaircie à la James
Dean. Filant la métaphore de la course automobile comme illustration de la fureur de vivre – notamment à travers la chanson qui donne son titre à l’album, écrite avec, en tête, la trajectoire du champion niçois Jules Bianchi (lire cicontre) – l’auteur-compositeurinterprète se balade entre ses thèmes de prédilection et la multiplicité de ses influences pour former un ensemble cohérent. Amours déçues, rupture, temps qui passe, vacuité de nos existences… En jolies formules ou mots crus, Benjamin Biolay poursuit l’introspection mais se fait plaisir. Les treize titres de Grand prix naviguent sans complexe aucun entre guitares rock et basses funky, envolées de synthés 1980 et cordes sophistiquées, chant libéré ou vibrato de crooner. Les rythmes sudaméricains ressurgissent furtivement, comme un discret trait d’union avec Palermo Hollywood et Volver, les deux derniers albums de Biolay (2016 et 2017), influencés par sa vie à Buenos Aires, où il habite une partie de l’année. Sur les titres les plus sautillants, on pense à Étienne Daho, à The Strokes, à New Order, à Daft Punk. Sur les ballades, on retrouve la douceur dont est aussi capable le chanteur. Et on repense à La Superbe (2009), qui restera, quand même notre album préféré dans sa discographie.
A. MA.
L’HOMMAGE AU PILOTE NIÇOIS DE F JULES BIANCHI
L’album a pour titre une chanson écrite en mémoire de Jules Bianchi, prodige de la Formule disparu à l’âge de vingt-cinq ans. « J’étais un petit Français qui rêve sa vie », se souvient Benjamin Biolay, dans cet album. Il brosse ainsi un parallèle entre sa propre histoire et celle, tragique, du Niçois Jules Bianchi. Ce grand espoir de la F fut fauché en pleine ascension, sur le circuit de Suzuka au Japon. Le octobre , sous le déluge, une collision terrible survient entre sa Marussia – avec laquelle il avait fini neuvième du Grand Prix de Monaco la même année – et une dépanneuse en train d’évacuer une monoplace. Le jeune prodige restera neuf mois dans le coma. Il succombera à ses blessures le juillet . Cinq ans plus tard, sa trajectoire brisée en plein élan évoque « une injustice » à Benjamin Biolay. Mordu de Formule , marqué par ses mythes, Biolay voyait en Bianchi un futur « grand », comme il l’a confié sur France Info vendredi dernier. L’artiste multi-instrumentiste compare le pilote niçois à ces musiciens, trop tôt disparus, dont on ne connaîtra jamais la discographie. « Jules Bianchi, l’ange
On pense à Étienne Daho, à The Strokes...
foudroyé. L’album Grand prix lui est dédié. Mille pensées pour sa famille et ses proches », a posté Benjamin Biolay sur son compte Instagram, sous une photo du pilote niçois. En ’’’, la chanson Grand prix zigzague entre rock et voix rauque, bossa-nova et nostalgie d’un destin qui s’est dérobé.
C. C.