La leçon ministérielle de Roselyne Bachelot
Les auditions successives d’Agnès Buzyn, Marisol Touraine et Roselyne Bachelot devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur l’épidémie de coronavirus-Covid n’aura sans doute pas beaucoup éclairé les députés sur la gestion par le gouvernement de la crise sanitaire que subit le pays. Mais elle aura permis, à travers les témoignages de ces trois anciennes ministres des Affaires sociales ou de la Santé, de dévoiler deux visions radicalement opposées de la fonction ministérielle. Avec Agnès Buzyn et Marisol Touraine, nous avons assisté à deux plaidoyers pro-domo fondés sur une idée clairement exprimée : une ou un ministre n’a pas à tout connaître de ce qui se passe dans son administration. Et tout ne doit pas lui remonter. Bref, la fonction ministérielle ne peut être qu’à responsabilité limitée. Cette approche renvoie à ce que déclarait en Georgina Dufoix, ministre des Affaires sociales de à pendant l’affaire du sang contaminé : « Je me sens profondément responsable, pour autant, je ne me sens pas coupable. » De fait, la Cour de Justice de la République la jugea en droit ni responsable ni coupable et la relaxa en mars . Le seul responsable désigné fut l’État, cette abstraction dirigée par une gouvernance ministérielle. C’est au fond la ligne adoptée par Agnès Buzyn et Marisol Touraine, conforme donc à cette jurisprudence. C’est une toute autre position qu’a défendue ce mercredi devant cette même commission Roselyne Bachelot, elle-même ministre de la Santé entre et , accusée à l’époque d’en avoir beaucoup trop fait face à la pandémie HN. On l’avait alors raillée pour avoir commandé des dizaines de millions de vaccins et de masques. Les rieurs font à présent amende honorable. On eut aimé que le pouvoir actuel ait acquis aussi promptement des masques, des tests et des respirateurs. Et l’on sait les bobards qu’il a racontés pour cacher son incurie. Roselyne Bachelot, elle, avait mis en oeuvre ce vieux principe : gouverner, c’est prévoir. Elle en a tiré toutes les conséquences sur l’exercice de la fonction ministérielle au cours de son audition : « Est-ce qu’être ministre, c’est être au courant de tout ? Oui. » Ce n’est pas un coup de pied de l’âne qu’elle a délivré aux deux autres ministres avec cette formule choc. Elle a livré une philosophie politique qui définit la responsabilité ministérielle. Oui, un ministre doit être au courant de tout et ne pas abandonner une partie de sa charge à son administration. Il a une mission qui couvre l’ensemble du domaine dont il a la responsabilité. Rude tâche certes mais c’est la mission de tout gouvernant. Elle est trop souvent oubliée par des ministres qui, à trop communiquer, finissent par négliger de s’informer sur... leur propre ministère !