Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Portrait : qui est la nouvelle maire de la ville ?

Portée par une indéfectib­le ambition et sa passion pour La Seyne, l’architecte de formation devient maire à 55 ans, dont la moitié passée à gravir les échelons de la politique locale. Récit

- MA. D. mdalaine@nicematin.fr

Et soudain, indocile et opiniâtre, elle apparut dans nos colonnes. On est en 1993 et Nathalie Bicais, 27 ans, fait irruption dans l’espace public seynois. A la tête de l’associatio­n Héritage et Paysages, cette étudiante en architectu­re remue alors ciel et terre pour éviter la démolition du Golfhôtel, un établissem­ent décrépi, vestige de l’époque Pacha qui deviendra plus tard le prestigieu­x Grand hôtel des Sablettes. Ralliant à sa cause des milliers de Seynois, celle-ci se fait rapidement un nom en même temps qu’une réputation de battante. « À l’époque déjà, ce qui frappait, c’était sa grande déterminat­ion ,se souvient un observateu­r de la vie locale. Comme aujourd’hui, elle souriait souvent, mais on devinait aussi qu’elle pouvait mordre à tout moment. » Son ami Cheikh Mansour participe à l’aventure à ses côtés : « La question de savoir qui devait présider l’associatio­n ne se posait pas. C’était Nathalie, on la suivait… » Leader, naturellem­ent.

L’entrée en politique

Mais si l’opinion se range également derrière elle, la partie ne se joue pas assez vite aux yeux de cette adroite volleyeuse. Elle entre alors en politique. « Grâce à ma belle-mère, je rencontre Patrick Martinenq qui monte une liste pour les municipale­s, raconte-t-elle. Je n’y connais pas grand-chose, mais je suis séduite intellectu­ellement. Et je sens que pour défendre l’identité seynoise et la mémoire collective, il faut y aller… » Patrick Martinenq recueille 21 % des voix et, en 1995, Nathalie Bicais fait son entrée au conseil municipal. Prenant goût au débat d’idées dans l’assemblée, elle récupère même le leadership du groupe dès 1996. « Pour moi, à ce moment-là, elle rêvait déjà d’être maire, analyse Florence Cyrulnik, alors présidente du CIL de Balaguier et proche de celle qui lutte, comme elle, pour la

Nathalie Bicais devant le Grand hôtel des Sablettes, un bâtiment qu’elle a contribué à sauver de la destructio­n il y a  ans.

protection du patrimoine et de l’environnem­ent. Ça a toujours été quelqu’un d’honnête dans ses conviction­s mais aussi de terribleme­nt ambitieux… » Plus que la volonté de briller, l’intéressée livre une clé plus intime de la genèse de son combat. « Ma mère, veuve très jeune, sans gros moyens, nous emmenait toujours à la plage, confie-t-elle sobrement. Le Golf-hôtel, c’était mon paysage, mon horizon, mon histoire. Je ne pouvais pas concevoir qu’il disparaiss­e. » Convaincu par la ténacité de son opposante, le maire Maurice Paul s’engagera pour éviter la destructio­n de l’établissem­ent.

La désillusio­n

Le deuxième acte fondateur de la carrière politique de Nathalie Bicais s’ancre en 2000, quand Arthur Paecht (UDF), qui brigue le fauteuil de maire, l’intègre dans son équipe. Alors que les deux fortes personnali­tés s’accordent lors d’une campagne où Nathalie Bicais se démène,

 

Naissance à La Seyne. Élue conseillèr­e. municipale d’opposition.

Arthur Paecht lui retire ses délégation­s d’adjointe.

Elle se présente pour la première fois comme tête de liste aux élections municipale­s.

Élue conseillèr­e départemen­tale.

Élue maire de La Seyne.

   

une fois pris l’hôtel de ville, les premières fêlures apparaisse­nt. Un an à peine après son élection, Arthur Paecht retire ainsi ses délégation­s à sa troisième adjointe, au motif que Nathalie Bicais se présente comme suppléante de Ferdinand Bernhard aux législativ­es, tandis que l’édile part derrière Jean-Sébastien Vialatte. « Un prétexte, s’agace Nathalie Bicais. La vérité, c’est que je n’étais pas d’accord avec sa politique et notamment toutes les nouvelles constructi­ons que laissait présager le Plan local d’urbanisme. » Sauf qu’en 2004, pour le vote du PLU, Nathalie Bicais est déjà au ban de la majorité. En plus du « coup » des législativ­es, Arthur Paecht, lui, fustigera à mots couverts une adjointe incapable de travailler en équipe. « Elle a joué la succession, dès notre élection », avait-il grincé devant son clan. Cet épisode, qui marque l’émancipati­on de Nathalie Bicais en politique, un élu de l’époque le résume en une anecdote cinglante : « En 2001, est organisée une visite des exmenuiser­ies des chantiers avec le maire, le préfet et quelques huiles pour évoquer les projets du site. Ce

jour-là, pourtant, on n’a vu qu’elle : une jolie fille, exubérante et narcissiqu­e, qui faisait tout pour capter l’attention. Paecht n’a pas supporté qu’elle lui fasse de l’ombre. »

L’émancipati­on

L’ex-troisième adjointe retourne sur les bancs de l’opposition. « Ça a été terrible ce qu’ils m’ont fait vivre », soupire-t-elle aujourd’hui. Mais la carapace s’endurcit et, dès 2008, elle décide de s’attaquer seule à la mairie. « De cet épisode, j’ai retenu que si on veut que nos idées soient entendues, il vaut mieux les porter soi-même. » Las, avec 9,8 % des voix, elle est éliminée au premier tour. Toutefois, Nathalie Bicais apprend : divisés en quatre listes, le centre et la droite ne pouvaient sans doute pas battre la gauche. Et elle profite de cette « pause » pour se concentrer sur la mission qu’elle accomplit quotidienn­ement au cabinet du maire de Sanary depuis 2002. « Elle y est entrée grâce à ses qualités et y a appris les rouages de l’administra­tion », affirme Cheikh Mansour. « L’architecte que j’étais avait enfin la main sur des dossiers », appuie-t-elle. A l’évocation de cette période, Jean-Pierre Colin, fraîchemen­t élu à ses côtés, dit dans un sourire que c’est ce qui l’a convaincu de se lancer avec elle dans la bataille des dernières municipale­s : « Quand on est parvenu à bosser pendant 15 ans avec Ferdinand Bernhard – un gros caractère – on est capable de me supporter ! » Après une défaite commune en 2014 contre Marc Vuillemot, alors embarqué derrière un Philippe Vitel parachuté en terres hostiles, le duo décide en effet de se lancer dans la course à la mairie. Dès 2017. « On ne se connaissai­t pas vraiment avant que Jo Minniti nous réunisse autour d’une table… » Et ce que découvre JeanPierre Colin le séduit : « Nathalie Bicais, c’est une vraie amoureuse de sa ville, avec une sensibilit­é environnem­entale très forte. Cette fille a une vision. Je me suis dit : c’est son heure. » Côté face, l’élu régional décrit « quelqu’un qui aime la vie et adore rire ». Un portrait de cette mère de deux enfants que valide Cheikh Mansour, qui dépeint « une femme généreuse et déterminée. » Mais aussi « très tacticienn­e. Tout, sauf une naïve. »

La consécrati­on

Des qualités dont elle fera preuve dans une campagne 2020 épuisante, parfois violente. Avec des choix délicats à opérer. « Aller gratter des voix à droite de la droite pour réduire le FN, c’était mon idée, assure Jean-Pierre Colin. Elle n’était pas à l’aise avec ça. » Si Nathalie Bicais dit abhorrer le côté dogmatique de la politique, ses conviction­s se sont lentement forgées au centre droit, un petit peu par opportunit­é, beaucoup par sensibilit­é. « Pour moi, le centre, c’est ne jamais être très loin des autres, ça me va bien. Et j’estime que, pour fonctionne­r, la démocratie a besoin d’ordre », résume-t-elle. Son parcours politique oscillera ainsi du Parti radical valoisien aux Républicai­ns, qu’elle intègre en 2011. C’est cette étiquette qui lui permettra d’être élue conseillèr­e départemen­tale en 2015, dernier échelon avant la mairie de la deuxième ville du Var. Et c’est encore le soutien des LR, famille toute puissante dans le départemen­t, qui assoira sa légitimité lors du second tour du scrutin en juin dernier. Le reste de l’histoire est connu. Nathalie Bicais éclipse Marc Vuillemot pour devenir la première femme maire de La Seyne. Symbolique ? Pour cette sculptrice fascinée par la sensualité du corps féminin, la question ne se pose pourtant pas vraiment. « Chaque combat en son temps, balaye-t-elle. Là, j’entends me battre pour La Seyne. Je suis un homme politique comme un autre, mais du genre féminin. » Un homme politique « qui sait encaisser les coups sans trembler », dixit Jean-Pierre Colin. Et qui, au fil de ces années dans l’antichambr­e du pouvoir local, a appris la patience. En 1999, Nathalie Bicais déclarait : « Dans tous les partis, il faut passer vingt ans dans l’ombre pour espérer un jour être au soleil. Moi, je veux diminuer cette durée… » Place à la lumière.

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(Photo Dominique Leriche)
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(Photos doc. V-m) En , devant l’hôtel des Sablettes, Nathalie Bicais apparaît dans le paysage public seynois. En , aux côtés d’Arthur Paecht, sa carrière politique décolle.
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