L’école des Chênes : ils ont tourné la page sans regret
Hier après-midi, l’école élémentaire accueillait ses élèves pour la dernière fois. Le bâtiment, qui sera démoli en automne, était l’un des derniers de type Pailleron. Place au Pôle enfance
Sur le portillon d’entrée, aimanté au tableau d’information, un message du coeur. Des crayons en papier couleur néon, coupés suivant les lettres de l’alphabet, sont collés pour bidouiller les mots ‘‘Au revoir les Chênes’’. Une apostrophe larmoyante ? Que nenni ! Un soulagement. Régis Bouteyron, directeur de l’établissement, se faufile entre les cartons – bazar improvisé à dompter pour atteindre son bureau. Les boîtes, empilées les unes sur les autres, concurrenceraient presque les gratte-ciels new-yorkais. Sur les côtés, des indications brèves : reprographie, salle C ; bureau, salle A. « Cette fois, c’est pour de bon, sourit-il. Ça fait un an qu’on est prêts. » Au pied du mur, le plan du Pôle enfance gomme pour de bon l’ambiance nostalgique. C’est là-bas qu’au 1er septembre, les enfants feront leur rentrée. Le directeur tend le bras et survole l’espace dudoigt:« Les locaux sont plus spacieux et insonorisés. On est loin du Pailleron, dont la structure métallique, couplée aux panneaux de façade en béton, ne permet pas des températures adoucies. Ici, en hiver, on meurt de froid, et les deux dernières semaines, on meurt de chaud. Ce n’était pas tenable. » La destruction de l’établissement n’est prévue qu’en automne. Il emporte avec lui le nom des Chênes, qui n’a pas réussi à se frayer une place dans les cartons. Désormais, l’école élémentaire se fait appeler « Via Aurélia », une allusion à la grande route d’Italie. Soixante-dix nouveaux logements sont prévus sur le terrain, dont 34 sociaux.
La dernière sonnerie
Sous le préau, les murs clairs sont peinturlurés de gribouillis. Catherine Aune, maîtresse de CP, précise : « Ils voulaient laisser des petits messages, mais les tableaux à craie sont déjà partis. Alors, ils se sont lâchés autrement ». Les dédicaces vont jusqu’au plafond, fait étonnant pour de si petits bouts. Un clin d’oeil à ‘‘Sindy pour la vie’’, qui empiète sur ‘‘Tristant mot sympa’’. Des coeurs, des sourires et, dans ce coin-là, ‘‘Ciao !’’ « Ce qui va me manquer, commente Léanna, c’est ma maîtresse ». Et le bâtiment, un peu ? La fillette de sept ans, du tac au tac : « Non, pas vraiment. Le prochain va être gigantesque ! J’espère qu’il y aura des toboggans. » 16 h 18. Cartables sur le dos, bonbons collés aux molaires et dernières affaires portées sous le bras, le petit groupe est rassemblé dans la cour de récré. À la sonnerie, les éclats de voix s’écoulent vers le portail. Les mains, agitées au-dessus des têtes, adressent une dernière attention au bâtiment délabré. À la sortie, une détonation ; les tubes d’un carnaval avorté propulsent des serpentins vers le ciel. L’ingrédient phare d’un adieu réussi.