La Villa Arson pliée en quatre
L’école d’art niçoise prolonge les expositions de Sol Calero, Zora Mann, Shailesh BR et Kristof Everart, interrompues par le confinement. Quatre propositions singulières à découvrir jusqu’au 20 septembre
Définir les contours de quatre univers différents, sans chercher à les unir à tout prix, est sans doute bien vu de la part d’Éric Mangion, le directeur du centre d’art de la Villa Arson. Le visiteur pourra se charger de lier les points, ou pas. En résidence durant l’automne et l’hiver derniers, Sol Calero s’est littéralement emparée des lieux, pour mieux les intégrer à son travail. « Quand je suis arrivée, il pleuvait énormément, l’eau s’infiltrait dans le bâtiment. J’ai construit une sorte de passerelle pour circuler au-dessus des flaques. Dans des cloisons abîmées par l’humidité, j’ai voulu intégrer des pièces de céramique, que j’ai créées sur place », nous explique la Vénézuélienne, aujourd’hui installée à Berlin. Sur des pans de murs repeints dans différentes couleurs (comme l’ocre-rouge du patio central, ou des tons plus vifs), elle a placé ses tableaux empruntant largement à l’imagerie tropicale, affirmant sa culture sud-américaine, sans s’y cantonner. « Tant d’artistes sont venus sur la Côte d’Azur pour sa lumière... Cela a été le cas pour moi aussi », assure Sol Calero.
Dans le prolongement de cet accrochage, dans la galerie des Cyprès, on trouve les peintures et sculptures de Zora Mann. Les couleurs sautent aussi aux yeux, mais dans un autre registre, proche de l’art brut. « Je suis atteinte de problèmes psychiques. Je ne veux pas que mon travail soit uniquement observé par ce biais, mais cela a évidemment une incidence sur ce que je fais », livre avec sincérité celle qui fut un mannequin très demandé dans les années quatre-vingt-dix, avant de devenir étudiante à la Villa Arson, il y a une dizaine d’années. Répétitions de formes, motifs psychédéliques et boucliers aux motifs tribaux forment l’exposition qu’elle a souhaité baptiser Waganga, un terme définissant les « guérisseurs d’âmes », en swahili.
Zora Mann.
Moins viscéral, plus cérébral, le cheminement artistique de Kristof Everart, l’a conduit à l’Inria (Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique, basé à Sophia-Antipolis), pour une résidence, en 2018. En se penchant sur l’occupation des territoires, il a développé un procédé lui permettant de modéliser, de manière abstraite, l’intense urbanisation entre Marseille, Sophia Antipolis et Nice. Cela a donné Entropie d’un territoire , une série de créations intrigantes.
Dans la galerie carrée, située sur l’aile gauche de la Villa Arson, vous trouverez les installations de Shailesh BR. Au travers de cette expo nommée Le Dernier Brahmane (The Last Brahmin), Shailesh BR propose une « exploration spirituelle ». Au sein de l’espace qui lui est alloué, il a imaginé une maison brahmane, avec ses
Kristof Everart. objets du quotidien et ceux dédiés aux différents rites. Dans le village où il habite, l’artiste ne pourrait pas faire entrer des personnes d’autres castes dans sa demeure (les Brahmanes appartiennent à la caste sacerdotale, la première des grandes castes traditionnelles de l’Inde). Mais aussi s’interroger sur l’interprétation et la valeur de connaissances et pratiques anciennes dans le monde contemporain. Autour d’un parterre de fleurs en cire, on trouve ainsi des systèmes mécaniques permettant de tourner les pages de livres écrits en sanskrit. Ou encore cette machine permettant d’automatiser le rituel de la puja, ce rite d’offrande, acte central de la vie quotidienne dans l’hindouisme.
Villa Arson. 20, avenue Stéphen-Liégeard, à Nice. Ouvert tous les jours sauf mardi, de 14 h à 19 h. Masque requis (fourni si besoin). Entrée libre. Rens. www.villa-arson.org 04.92.07.73.73.