Coups de folie
Avant d’être acteur, Cantona ne faisait pas semblant sur le terrain. Retour sur quelques-uns des « pétages de plomb » les plus marquants d’Eric The King, devenu légende de Manchester United
Un tacle assassin sur Der Zakarian
Ce 5 avril 1988, Auxerre affronte Nantes en 16e de finale retour de la Coupe de France. Dès le début de la partie, Michel Der Zakarian (l’actuel entraîneur de Montpellier) provoque Canto qui répond et prend un jaune. Dans la foulée, l’Auxerrois va voir Robert Wurtz, l’arbitre du match, et lui dit : « Vous pouvez préparer le carton rouge. » Et à la 37e minute, alors que le Nantais conduit le ballon, Cantona lui assène un violent tacle par derrière les deux pieds décollés à près d’un mètre du sol. S’en suit son expulsion annoncée, un début de pugilat et un bras d’honneur au public de la Beaujoire. « Il est du même quartier de Marseille que moi, depuis tout petit on se taquine », dira Canto devant la commission de discipline. Il ne prendra que 3 matchs et Der Zak’ ne sera pas blessé : « Je l’avais vu arriver, il ne me touche pas trop et, au sol, j’en rajoute un peu », avouera ce dernier quelques années plus tard. Les deux hommes ont ensuite joué ensemble à Montpellier «maisonn’ en a jamais rediscuté ».
« Sac à merde », vraiment ?
Quelques mois plus tard, toujours en 1988, Cantona est transféré à Marseille. Sur la Canebière, ses débuts sont prometteurs. Mais le regretté Henri Michel, sélectionneur des Bleus à l’époque, ne le convoque pas pour un amical face à la Tchécoslovaquie alors que Canto évolue en Equipe de France depuis un an. Le 20 août, vexé de pas avoir été prévenu en amont, le joueur se lâche face aux journalistes : « J’ai entendu Mickey Rourke, un gars que j’admire, dire que celui qui s’occupait des Oscars à Hollywood était un sac à merde. Henri Michel n’en est pas loin. » Même si Cantona n’a jamais vraiment dit qu’Henri Michel était un sac à merde, comme l’histoire l’a toujours fait croire, la nuance n’est pas énorme et sa sortie fait l’effet d’une bombe. Le lendemain, le joueur de l’OM fait son mea culpa : « Quand j’ai réentendu mes propos, j’ai eu honte de moi. Parfois, quand j’ai quelque chose à dire, je le dis mal. je rabaisse les gens...» Malgré ses excuses, il sera suspendu un an de sélection.
Il jette par terre le maillot de l’OM
Le 28 janvier 1989, l’OM joue un match de bienfaisance à Sedan contre le Torpedo Moscou en faveur des sinistrés d’Arménie, où un séisme avait ôté la vie de milliers de personnes. Depuis l’épisode du « sac à merde », Canto est souvent sifflé par le public français. A Sedan, on ne déroge pas à la règle. Ce jourlà, c’est la goutte de trop pour le joueur qui se plaint aussi du froid, du terrain difficile et d’un voyage interminable pour arriver dans les Ardennes. Au bout de 30 mn, excédé, il jette son maillot par terre devant son coach, Gérard Gili, médusé, et rentre aux vestiaires. Bernard Tapie prend l’affaire en mains et suspend son joueur. « S’il faut le mettre en clinique, on le mettra en clinique », lâche Nanard. Il le prête finalement à Bordeaux jusqu’à la fin de la saison.
Il agresse un arbitre avec le ballon
Près de trois ans ont passé depuis son coup de sang à Sedan mais l’homme n’est pas vraiment apaisé. Après Bordeaux, il joue à Montpellier – où il se bat avec son coéquipier Jean-Claude Lemoult –, puis revient à Marseille où il se blesse au genou et n’entre pas dans les plans de Goethals. Il signe alors à Nîmes, promu en D1 mais qui végète en bas de tableau. Le 7 décembre 1991, alors que son club reçoit St-Etienne aux Costières, il a un coup de sang et jette violemment le ballon sur l’arbitre après une faute sifflée contre lui. Il rentre directement aux vestiaires, sans se soucier du carton rouge que lui adresse l’homme en noir. Puni de 4 matchs de suspension, il traite d’idiots les membres de la commission de discipline et voit sa sanction allongée à deux mois. Le 12 décembre, gonflé d’orgueil, il annonce l’arrêt de sa carrière. Il s’engage néanmoins à rembourser Nîmes qui l’avait acheté 10 millions à l’intersaison. Mais reprendra en Angleterre fin janvier, à Leeds.
Le kung-fu et les mouettes
25 janvier 1995, Crystal Palace - Manchester United. Alors que Canto vient d’être expulsé, un supporter londonien lui tient des propos xénéphobes (« enculé de bâtard de Français » pour être précis...). Le Red disjoncte et lui assène un violent coup de pied (photo ci-dessous). « Indéfendable » titrera « L’Equipe », ce qui mettra le Français hors de lui. Plus tard, dans une émission, il s’en prendra d’ailleurs aux journalistes du quotidien en leur disant dans les yeux : « Je vous pisse au cul. » Pour son geste de kung-fu, Cantona sera condamné à 120 heures de travaux d’intérêt général, suspendu 250 jours et délivrera cette déclaration mythique à la presse le jour de la sanction : « Quand les mouettes suivent un chalutier, c’est parce qu’elles pensent que des sardines seront jetées à la mer. Merci. » Une phrase, qui, de son propre aveu, ne veut rien dire. « Je me régalai ensuite à voir les différentes interprétations que les journalistes en faisaient », avouera-t-il bien plus tard.
Il a fait poireauter Aimé Jacquet
Alors que sa place en Equipe de France fait débat pour l’Euro 1996 qui approche, Aimé Jacquet, le sélectionneur, se déplace en Angleterre pour discuter avec le King. « Il m’a donné rendez-vous mais j’étais dans une fête et je suis arrivé avec deux heures de retard », avouera Canto. Jacquet ne le sélectionnera pas pour l’Euro 96 ni la Coupe du Monde 1998. Mais ce ne serait ni pour son retard, ni pour son comportement, seulement parce que Canto ne voulait pas jouer avantcentre. «En tout cas, il ne s’est jamais servi de ces deux heures de retard pour justifier son choix de ne pas me prendre. Rien que pour ça, il peut être respectable », ajoutera Cantona.
Il accuse Deschamps de racisme
Cantona n’a jamais porté les sélectionneurs dans son coeur, les anciens comme les plus récents. « Domenech est l’entraîneur le plus nul du football français depuis Louis XVI » avait-il lâché en 2009. Mais c’est surtout Didier Deschamps qu’il n’apprécie guère. En 2016, Canto avait sous-entendu une discrimination raciale dans le choix de DD de ne prendre ni Karim Benzema, ni Hatem Ben Arfa pour l’Euro en France : « Deschamps a un nom qui sonne bien français. C’est peut-être le seul en France à avoir un nom aussi français. Personne ne s’est jamais mélangé avec personne dans sa famille. Comme les Mormons en Amérique », avait-il lâché avant d’ajouter : « Benzema et Ben Arfa sont les deux meilleurs joueurs en France et ils ne joueront pas à l’Euro. Ce qui est certain également c’est que leurs origines sont nordafricaines... » Deschamps portera plainte pour diffamation. L’affaire n’est toujours pas jugée.