Var-Matin (La Seyne / Sanary)

LE BERGER PHOTOGRAPH­E

Installé à Châteauvie­ux depuis plus de trente ans, cet éleveur laitier a trouvé dans la photograph­ie une façon de montrer le monde dans lequel il vit.

- KARINE MICHEL kmichel@nicematin.fr

« Le père de ma compagne avait un Leica... »

J’aime restituer ce que je vois, ce que je ressens… » Et parce qu’il n’était « pas assez doué pour le dessin » c’est à travers la photograph­ie que Claude Bietry a choisi de s’exprimer. Dans les rayons de la bibliothèq­ue qui entoure son bureau, des BD, des livres sur l’élevage et l’agricultur­e, et des exemplaire­s de Chasseurs d’images résument ce personnage haut en couleur, peu disert, qui vit à Châteauvie­ux. Cet homme de 65 ans, dont la haute stature contraste avec la douceur du regard. Claude Bietry est éleveur. Avec sa compagne Chantal, il gère une exploitati­on de cinquante chèvres et autant de brebis. Pour des fromages vendus à la ferme ou sur les marchés.

Trente ans d’élevage

Trente ans que le couple s’est installé sur cette terre du haut Var. Aux confins du départemen­t. À la limite des Alpes-deHaute-Provence. Trente ans d’élevage et autant de photograph­ies pour ce taiseux dont le parcours est un livre d’images. Il a le regard frondeur d’ailleurs, en remontant le fil de ses années commencées à Ollioules, où ce Franc Comtois naît par accident… Ses années de petite enfance, il les passe dans l’Est avant de retrouver le Sud, Six-Fours et le Brusc en particulie­r. Épisode de vie ramené à un cliché sur la mer et sur une scolarité « basique ». Un CAP de pâtisserie en poche, le jeune homme se laisse gagner par la vague hippie. Se barre, à 17 ans, pour rejoindre Katmandou. « Seul, par la route… » Ne comptant que sur ses deux pieds et le système débrouille. Déjà amoureux de l’image : « J’ai dû faire un choix cornélien, dit-il. Partir avec un objectif ou pas ? On ne te regarde pas de la même manière lorsque tu as un appareil photo en main… » Alors il a préféré graver les photos dans sa tête. Grèce Turquie, Iran. « L’Afghanista­n surtout. Pour les images c’était d’une beauté incroyable. » Il fait la route une deuxième fois, En partant d’Amsterdam et en allant jusqu’au Tibet. « À l’époque, on pouvait passer partout », se souvient-il en évoquant ce voyage d’une vie : « Ça ouvre l’esprit, tu fais la synthèse de ce que tu es, de qui tu es… » Et puis, le jeu de l’amour l’installe en Corse auprès de Corinne, originaire de l’île et dont le père est éleveur de brebis. C’est là, du côté de Moltifao, sur l’exploitati­on familiale, qu’il apprend… Le métier d’éleveur – « On vendait toute la production à la société Roquefort » –, et celui de photograph­e. «Le père de ma compagne avait un Leica… » L’argentique, un emblème dans le métier. Les aléas de sa vie font qu’il retrouve le Var après une parenthèse parisienne. «Je me suis retrouvé à Flassans, chez un gros exploitant. » 1 200 brebis. Il a 28 ans, et se révèle véritablem­ent un boîtier dans les mains. Longtemps, il fera les transhuman­ces, « incroyable­s pour les photos… » avant de vouloir se fixer. À Châteauvie­ux. Depuis, l’appareil l’accompagne à chacune de ses sorties avec le troupeau. Comme Néo, son chien à la patte folle. Chaque après-midi, lorsqu’il est temps d’aller « promener » le troupeau dans la garrigue, la forêt, il emporte avec lui cette opportunit­é de capturer le temps. L’instant. « Je n’en fais pas à chaque fois, mais je ne peux pas partir sans mon objectif. » Prolongeme­nt de lui-même. On lui a proposé d’exposer, une fois. « À Castellane… Mais je n’ai pas le temps. » Alors ses photos se dévoilent sur Facebook. Cherchez Claude Bietry, tout simplement.

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(Photo Franz Chavaroche) Claude Bietry sort chaque jour avec son troupeau, son chien et son appareil photo.

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