Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Il y a 200 ans, le 5 juillet 1820 NAISSAIT LE PEINTRE TRACHEL

Focus sur le tableau Nice vue du col de Villefranc­he d’Hercule Trachel, le peintre de Nice au service des aristocrat­es, portraitis­te, mais aussi professeur de ces dames...

- ANDRÉ PEYREGNE nous@nicematin.fr

« Ses paysages calmes et méditatifs témoignent d’une sensibilit­é romantique. »

Que la vie paraît douce dans ce tableau de Trachel ! Tout inspire la paix : la lumière tendre qui baigne le lieu, la ville de Nice alanguie au pied de la colline, le paysage bucolique planté d’oliviers, les femmes en costumes d’autrefois s’adonnant à leurs activités champêtres. Au loin, le bleu de la mer répond au vert tendre des pairies côtières. La baie des Anges décrit sa courbe harmonieus­e tandis qu’au loin se dessinent les contours vaporeux du cap d’Antibes et des baous. Dans son livre La Côte d’Azur – qui a donné son nom à notre région –, Stephen Liégeard semble avoir décrit la même scène : « Nice-la-Belle s’offre à nous, mollement couchée sous ses collines d’orangers ; c’est la frileuse exquise offrant une épaule nue aux caresses du soleil. »

Des peintres pour décorer les villas des fortunés

Nous sommes ici à l’endroit où passe aujourd’hui la Grande Corniche : le flot des voitures accélérant vers le col de Villefranc­he et Monaco ! À l’époque, un simple chemin muletier. Au bord de ce chemin se dresse la chapelle Saint-Charles, dans un rayon de lumière, coiffée d’un délicat clocheton. Construite au milieu du XIXe siècle, elle existe toujours. Les quelques demeures que l’on devine au long de la promenade des Anglais, ont été construite­s à la même époque par les premiers hivernants fortunés. Pour décorer leurs villas, ils faisaient appel à des peintres. Hercule Trachel fut parmi eux. Il fit voler des angelots sous les plafonds, orna de clairs-obscurs les murs des salons. Hercule Trachel était né à Nice le 5 juillet 1820 – il y a deux cents ans aujourd’hui. Fils d’un peintre en bâtiment spécialisé dans les décors artistique­s, il étudia le dessin chez le chevalier Paul-Émile Barberi à Nice. Il apprit ensuite à dessiner des nus à la Reale Accademia de Turin. Il obtint un premier prix. Lorsqu’il revint à Nice, il se mit au service des aristocrat­es. Il devient le portraitis­te et le professeur de ces dames, fréquente Stéphanie de Beauharnai­s, sa fille la duchesse de Hamilton, la femme et la fille du comte de Maistre, gouverneur de Nice, la famille d’Orestis, l’ancien maire de Nice, le prince russe Galitzine.

Charlotte de Rothschild comme élève

Pendant plusieurs années, il partagea la vie de Charlotte de Rothschild. Cette jeune femme, épouse de banquier, était éprise des arts et du peintre. Chopin lui dédia deux de ses célèbres valses. Devenue élève de Trachel, elle parcourut avec lui la Suisse, l’Autriche, l’Allemagne, la Hollande, l’Angleterre. Ils traversère­nt l’Italie ensemble, s’attardèren­t à Venise. Les canaux, le pont des Soupirs… C’est en tant qu’« élève de Trachel » qu’elle exposa ses tableaux aux salons de Paris et de Londres. Qui est l’homme qui sort d’une porte de jardin, en haut à gauche du tableau ? Trachel lui-même ? Il a l’air si heureux d’entrer dans le décor ! L’historien Jean-Paul Potron décrit ainsi l’art de Trachel dans Paysages de Nice (éditions Giletta) : « Ses paysages calmes et méditatifs témoignent d’une sensibilit­é romantique : celle de la recherche esthétique du beau en plein milieu du XIXe. » Mieux que tout autre, Trachel a traduit la douceur des rêves de Nice d’autrefois.

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